À plusieurs reprises les dirigeants soviétiques ont manifesté leur agacement devant les réticences de Washington. En visite dans la capitale américaine, le ministre soviétique du Commerce extérieur, Patolitchev, n'hésite pas à parler d'aller « faire des affaires ailleurs ». Quant à Leonide Brejnev, profitant de l'inauguration d'une exposition de matériel américain à Moscou (avril), il critique ouvertement la politique commerciale des États-Unis, allant jusqu'à reprocher à ses interlocuteurs d'exposer du matériel, puis de refuser ensuite de le vendre. Ces grincements sont toutefois plutôt conjoncturels. Une importante partie du Congrès américain, conduite par le sénateur Jackson, freine la coopération américano-soviétique dans un double objectif :
– essayer d'obtenir de Moscou une libéralisation du régime, essentiellement à l'égard des juifs candidats à l'émigration ;
– montrer à R. Nixon qu'il n'est plus tout à fait un président à part entière.

En fait, les Soviétiques n'ont pas réussi à intéresser, comme ils l'escomptaient, les industriels occidentaux et japonais à l'exploitation de leurs ressources naturelles et à la mise en valeur de la Sibérie. Le principal obstacle étant toujours l'octroi de crédits. Certains responsables occidentaux (notamment les experts de l'OTAN) se sont inquiétés du volume des crédits (plusieurs milliards de dollars) déjà accordés à Moscou : 1 milliard de dollars par le Japon, 900 millions par la France et 600 millions par l'Italie.

En accréditant à Moscou 13 banques étrangères (4 françaises, 3 américaines, 2 allemandes, 1 britannique, 1 finlandaise, 1 italienne et 1 suédoise), les dirigeants soviétiques montrent bien l'importance qu'ils accordent au financement de leurs échanges.

En signant avec une entreprise américaine un accord sur la construction dans la capitale d'un gigantesque centre commercial international (4 immeubles de 20 à 25 étages, 400 bureaux, un hôtel de 600 chambres, 625 appartements pour les hommes d'affaires étrangers, un parking de 600 places, des restaurants, des cinémas et des boutiques), les dirigeants soviétiques ont voulu manifester leur foi dans l'avenir de la coopération avec les pays occidentaux. Le centre doit être achevé en 1977.

Pour l'instant, Moscou se contente de gestes symboliques : le Pepsi-Cola et le chewing-gum ont fait une apparition très remarquée sur le marché soviétique.

Proche-Orient

Comparée à l'impressionnante série de rencontres au sommet qu'avait portée à son actif Leonide Brejnev l'année dernière, la politique étrangère du Kremlin semble plus terne. Deux rencontres seulement figuraient au calendrier : avec le président Pompidou, à Pitsounda, en mars 1974, et avec le président Nixon, à Moscou, le 27 juin (cette rencontre devait se conclure par la signature de trois accords d'importance secondaire).

Mais ces deux rencontres n'avaient plus la force d'impact des précédentes : celle de Pitsounda en raison de la maladie du chef d'État français, celle de Moscou en raison de la position chancelante du président américain.

En fait, le numéro un du Kremlin a été en quelque sorte victime de la personnalisation du pouvoir qu'il incarne et qu'incarnaient ses interlocuteurs. La mort du président français, la démission du chancelier ouest-allemand et les ennuis de Richard Nixon remettent en cause les succès qu'il avait enregistrés l'année précédente.

De même, les grandes conférences internationales, auxquelles le Kremlin attache beaucoup d'importance, paraissent s'enliser. La conférence européenne sur la sécurité et la coopération, la conférence sur la réduction équilibrée et mutuelle des forces (MBFR) et la négociation soviéto-américaine sur la limitation des armements nucléaires stratégiques (SALT II) marquent le pas.

Et pourtant la diplomatie soviétique n'est pas restée inactive. Tout au plus son style a changé. Le conflit du Proche-Orient, en octobre, n'a pas permis à l'Union soviétique de s'affirmer dans la région, dans la mesure où c'est avant tout le secrétaire d'État américain, Henry Kissinger, qui s'est fait l'artisan du rétablissement de la paix. Mais Moscou a consolidé sa présence en Syrie et a rétabli le contact avec la Libye (visite du commandant Jalloud à Moscou en mai). En outre, il est évident que sans l'assistance militaire soviétique (le pont aérien qui a permis d'approvisionner les armées du Caire et de Damas) les pays arabes n'auraient pas réussi à mener à terme leur offensive. Même si l'URSS a révélé les limites de son aide fraternelle (en faisant payer comptant ses armes, selon Tripoli, et en fermant le robinet des armements au moment voulu pour amener les belligérants au cessez-le-feu), elle a accumulé là un capital de reconnaissance.