Mais, en ce printemps 1974, Schwarzenbach n'est plus le maître du jeu. Son Mouvement républicain se voit sans cesse débordé par l'Action nationale dirigée par le conseiller national Valentin Œhen. En mars, les Zurichois, qui élisent leur Conseil communal, donnent 9 sièges à l'Action nationale, aucun au Mouvement républicain. En mai, les Bernois, qui élisent leur Grand Conseil, donnent 5 sièges à l'Action nationale, aucun au Mouvement républicain. Le même mois, les deux tendances, qui ne formaient qu'un seul groupe parlementaire, divorcent à moitié. Schwarzenbach veut prendre ses distances. Et derechef il essuie un échec : trois députés seulement le suivent, tandis que trois autres maintiennent leur apparentement avec Œhen et ses amis.

Or, à la fin de 1974, le peuple suisse devra se prononcer sur une autre initiative (celle de l'Action nationale précisément) beaucoup plus dure que toutes les précédentes. Elle impliquerait le renvoi de quelque 540 000 étrangers en trois ans.

Étrangers

Le caractère brutal, voire inhumain, d'une telle mesure semble évident. Mais ses conséquences économiques effraient les responsables de l'industrie, du commerce et du tourisme : privées d'une importante partie de leur main-d'œuvre, un nombre important d'entreprises devront probablement réduire leurs activités, voire fermer leurs portes. Paradoxalement, le départ de centaines de milliers d'Italiens ou d'Espagnols pourrait faire naître le chômage dans un pays qui ne le connaissait plus depuis plus de quarante ans.

En mars, le Conseil national (par 157 voix contre 3 !) rejette ce projet. Mais le peuple souverain possède le dernier mot, et la perspective du scrutin populaire incite le Conseil fédéral à durcir préventivement sa position. En mai, il annonce que les hôpitaux, les cabinets médicaux, les universités, les entreprises agricoles qui bénéficiaient de main-d'œuvre étrangère hors contingent seront privés désormais de toute faveur.

La nouvelle tombe en même temps que le lancement d'une sixième initiative sur ce thème. Il s'agit d'un petit groupe, jusqu'alors pratiquement inconnu : le Mouvement suisse des ouvriers et employés catholiques, dont le but n'est pas de comprimer à tout prix le contingent des travailleurs importés, mais de le maintenir au même niveau et, surtout, de garantir à chaque ouvrier, quelle que soit son origine, les droits et avantages sociaux et professionnels dont jouit un Suisse, à commencer par l'autorisation de faire venir, sans aucune restriction, sa famille auprès de lui.

Réfugiés

Les étrangers qui donnent des cheveux blancs aux sept sages du Conseil fédéral ne sont pas toujours des salariés. Beaucoup moins nombreux, il y a des réfugiés. Le pays en accueille 100 à 200 par an, et certains suscitent quelques difficultés. Ainsi, en juillet 1973, le Tribunal fédéral refuse d'extrader l'ancien ministre zaïrois Losembé, que son gouvernement accuse de concussion : fureur du président Mobutu. En septembre, le coup d'État chilien provoque de forts remous en Suisse.

D'une part, l'ambassadeur à Santiago, Charles Masset, se voit accusé par de grands journaux de n'avoir pas fait, surplace, tout ce qu'il fallait pour sauver des vies humaines. D'autre part, le Conseil fédéral décide d'accueillir seulement 200 adversaires du nouveau régime. Limitation mesquine, estime une partie de l'opinion publique.

Un mouvement, du nom d'Opération places gratuites, se constitue pour faire venir et pour installer en Suisse des réfugiés plus ou moins clandestins. Le Conseil fédéral s'insurge et réplique en instituant le visa d'entrée obligatoire pour les voyageurs en provenance du Chili. Polémique, manœuvres et contre-manœuvres cessent assez rapidement : il fallait les expliquer par le désir (une fois de plus) de ménager les milieux xénophobes et de ne pas compromettre la politique d'asile traditionnelle de la Confédération. En mars, un réfugié d'une certaine célébrité va concentrer sur lui (il s'en plaindra) les faisceaux lumineux de l'actualité : Alexandre Soljenitsyne, qui, banni d'URSS et bientôt rejoint par sa famille, choisit la Suisse.

Un 23e canton

Les sept districts jurassiens répondent le 23 juin à la question : « Voulez-vous constituer un nouveau canton ? » Résultat historique : 36 802 oui contre 34 057 non. Le 23e canton suisse est né. Quatre des districts concernés ont voté non. Or, chacun d'eux a le droit, si le cinquième de ses citoyens et citoyennes en fait la demande, de voter de nouveau, et, s'il confirme son refus, de rester partie intégrante du canton de Berne. Toute commune située dans un district qui a voté non, mais limitrophe d'un district qui a voté oui – et, inversement, toute commune située dans un district qui a voté oui, mais limitrophe d'un district qui a voté non –, peut demander pour elle-même un nouveau vote et changer de district, c'est-à-dire quitter le Jura pour Berne – ou Berne pour le Jura. Enfin, quand ce très subtil mécanisme aura déployé tous ses effets, le Jura connaîtra ses frontières exactes. Mais il faudra un dernier scrutin, car le peuple suisse et les cantons devront, pour faire place au nouveau venu, approuver une modification formelle de la Constitution fédérale. Ces incertitudes n'ont pas empêché, dans les trois districts ayant voté oui et qui pourront former de toute manière un petit État, une explosion de joie dont la Suisse entière a retenti. Le problème jurassien est, cette fois, sur le point d'être résolu.

Tchécoslovaquie

Prague. 14 500 000. 113. 0,4 %.
Économie. Production : G (70) 145 + I (71) 180. Énerg. (*71) : 6 615.
Transports. (*71) : 18 983 M pass./km, 63 464 M t/km. (*71) : 918 200 + 207 100.  : 103 000 tjb. (*71) : 635 M pass./km.
Information. (70) : 28 quotidiens ; tirage global : 3 641 000. (71) : 3 825 000. (71) : 3 187 000. (71) : 1 007 600 fauteuils ; fréquentation : 110,7 M. (71) : 2 112 000.
Santé. (71) : 31 426. Mté inf. (71) : 22.
Éducation. (69). Prim. : 2 002 053. Sec. et techn. : 390 057. Sup. : 133 524.
Institutions. État indépendant le 28 octobre 1918. République populaire en 1948. État fédéral depuis le 1er janvier 1969. Constitution de 1960, amendée le 20 décembre 1970. Président de la République : général Ludvik Svoboda, réélu le 22 mars 1973. Premier secrétaire du Parti : Gustav Husak. Premier ministre : Lubomir Strougal.

URSS

Moscou. 247 460 000. 11. 1,1 %.
Économie. Production (71) : G 180 + I 189. Énerg. (*71) : 4 535.
Transports. (*71) : 274 554 M pass./km, 2 637 342 M t/km.  : 16 774 000 tjb. (*71) : 3 240 pass./km.
Information. (71) : 647 quotidiens ; tirage global : 84 953 000. (71) : 99 900 000. (71) : 39 300 000. (71). Fréquentation : 4 656,3 M. (71) : 11 980 000.
Santé. (70) : 577 249. Mté inf. (71) : 23.
Éducation. (69). Prim. : 40 483 000. Sec. et techn. : 8 857 700. Sup. : 4 549 600.
Institutions. Fédération de républiques socialistes. Constitution de 1936. Président du présidium : Nicolaï Podgorny ; succède à Anastase Mikoyan. Président du Conseil : Alexeï Kossyguine. Premier secrétaire du Parti : Leonide Brejnev.

Une longue période d'attente

L'économie soviétique avait enregistré en 1973 d'importants succès. Une récolte record de 222,5 millions de tonnes de céréales, des progrès notables dans l'industrie et la construction après la crise de 1972, crise provoquée essentiellement par une récolte catastrophique et un ralentissement de la croissance industrielle.

Retards

Le premier trimestre de 1974 marque un net ralentissement. Les statistiques officielles font, certes, état d'un fort accroissement de la production industrielle (+ 8,7 % par rapport à la même période de l'année précédente), mais cette croissance est fort inégale, et dans le domaine de l'industrie légère, notamment, elle est inférieure aux espérances des dirigeants soviétiques. Au point que le conseil des ministres de l'Union soviétique a conseillé aux responsables de l'industrie des biens de consommation « d'adapter leur production à la demande », au lieu de s'en tenir aux strictes prévisions du plan.