Le général Papadopoulos avait cru gagner la confiance du peuple et mettre un terme à l'isolement de la Grèce sur la scène internationale. Après avoir aboli la monarchie le 1er juin 1973, il introduit des amendements à la Constitution de 1966, qui sont approuvés le 19 juillet par 80 % de l'électorat (53 % seulement dans les centres urbains). Le 19 août, il remet en vigueur les articles de la Constitution concernant les libertés publiques, lève la loi martiale et proclame une amnistie générale pour tous les crimes et délits politiques. Le 7 octobre 1973, Spyros Markezinis, le chef d'un groupuscule de droite, constitue le premier gouvernement de civils depuis le coup d'État de 1967.

Le nouveau Premier ministre promet de conduire le pays vers une « pleine démocratie », de renouer avec l'Europe occidentale, de développer les relations avec les pays de l'Est et, surtout, de mettre en vigueur un plan anti-inflationniste.

Inflation

La Grèce traverse une sévère crise économique. Tandis que les milieux d'affaires réalisent des super-profits, les paysans, frappés par la réduction autoritaire des prix agricoles, émigrent en masse. Bien que l'industrie, le commerce et le tourisme soient en pleine expansion (grâce à des subventions et des privilèges octroyés à l'entreprise privée par l'État), les salaires ne rattrappent pas la hausse des prix. Ces derniers avaient augmenté, à l'automne de 1973, de 50 % à 200 % en l'espace d'un an. Jamais la Grèce ne s'était autant endettée : les créances étrangères avaient triplé, passant de 1,1 milliard de dollars en 1967 à 3 milliards en 1973. Ce qui n'avait pas empêché la junte de tripler les crédits militaires par rapport à l'année qui précéda le coup d'État de 1967.

La libéralisation politique du général Papadopoulos n'a pas désarmé les méfiances à son égard. D'autant moins que la Constitution remaniée renforçait les pouvoirs du président de la République et réduisait ceux du Parlement (qui devait être élu en 1974) à ceux d'une Chambre d'enregistrement.

Émeute

Une cérémonie commémorant le cinquième anniversaire de la mort du leader centriste Georges Papandréou dans un cimetière d'Athènes tourne, le 4 novembre 1973, à l'émeute. L'intervention de la police pour disperser les manifestants fait au moins une soixantaine de blessés. La condamnation, le 13 novembre, de cinq personnes tenues pour responsables des désordres au cimetière provoque une explosion de colère le lendemain. Les étudiants de plusieurs facultés, en particulier celle de Polytechnique, se rassemblent, conspuent le régime et ses « protecteurs américains », manifestent dans les rues aux côtés de milliers d'ouvriers venus des faubourgs. Une véritable insurrection se développe dans la capitale.

Tandis que les manifestants déferlent dans la ville, y occupent des points stratégiques, élèvent des barricades, les étudiants de Polytechnique, qui ont transformé leur faculté en place forte, diffusent des appels révolutionnaires à l'aide d'une radio pirate.

La police d'abord, l'armée ensuite, avec ses blindés et ses chars, donnent l'assaut, tirent sur les foules en fureur. La proclamation de la loi martiale, l'instauration du couvre-feu et de la censure de la presse, les arrestations massives ne parviennent pas à arrêter l'émeute, qui se poursuit pendant quatre jours, jusqu'au 18 novembre. La répression (selon un bilan établi par divers médecins) fait une cinquantaine de morts et plusieurs centaines de blessés. Deux cents manifestants sont déférés devant les tribunaux d'exception. Les chefs de l'opposition sont placés en résidence surveillée. Vingt-neuf associations d'étudiants sont dissoutes.

Éviction

Le général Papadopoulos est désormais un homme seul. Sa tentative de libéralisation, qui l'avait conduit à monopoliser le pouvoir au détriment des membres de la junte, lui vaut de tenaces inimitiés. L'armée, rejetée un instant dans l'ombre, prend d'autant plus conscience de sa puissance qu'elle a été appelée à écraser « l'insurrection de Polytechnique ». Ayant sauvé Papadopoulos, elle se sent en mesure de l'écarter du pouvoir.