Les multinationales

Pratiquement inconnues voici une quinzaine d'années, les firmes multinationales sont devenues un élément quotidien et essentiel de l'environnement économique international. Et ce n'est qu'un commencement : selon certains experts, 300 firmes multinationales pourraient s'assurer 70 % de la production industrielle du monde non communiste dès 1985 ; selon d'autres, les 60 plus importantes d'entre elles réaliseraient alors un chiffre d'affaires global de 1 000 milliards de dollars, soit cinq fois le produit national brut actuel de la France.

Inquiétudes

Le multinationalisme et ses perspectives ne laissent pas d'inquiéter bon nombre d'économistes. Les objectifs que poursuivent ces sociétés apatrides sont-ils compatibles avec ceux des pays qui les accueillent ? Le fait que beaucoup d'entre elles aient leur siège social aux États-Unis ne va-t-il pas renforcer encore la puissance américaine ? L'existence des petites et moyennes entreprises, tissu conjonctif des économies nationales, n'est-elle pas mise en danger par ces concurrents impitoyables ?

Ces inquiétudes ne sont pas partagées par tout le monde. Certains voient dans les firmes multinationales des modèles de bonne gestion. D'autres se félicitent qu'elles bousculent les scléroses nationalistes. D'autres, enfin, constatent qu'elles effectuent un brassage d'hommes, d'idées et de capitaux indispensable à l'ouverture des frontières et au développement de l'activité internationale. Pour comprendre ces jugements contradictoires, il convient de savoir pourquoi il existe des firmes multinationales et qui elles sont.

Expansion

Plus un industriel accroît la marge entre ses coûts de revient et ses prix de vente, plus il gagne de l'argent. Cette lapalissade explique pourquoi la plupart des entreprises cherchent toujours à grandir, ce qui est le meilleur moyen d'allonger les séries de production, donc de répartir sur des produits de plus en plus nombreux des frais qui, généralement et jusqu'à une certaine limite, progressent moins rapidement. Cette règle vaut aussi bien pour les automobiles que pour les lessives, pour les ordinateurs que pour les jus de fruits.

Mais il ne suffit pas d'accroître sa production, il faut encore trouver les débouchés correspondants. Du développement des marchés dépend donc le développement des entreprises. Quand la taille du marché atteint la superficie du pays où travaille l'entrepreneur, seule l'exportation permet d'aller plus loin. Se posent alors des problèmes de transport, de réseaux commerciaux internationaux et d'adaptation du produit aux goûts étrangers. D'où la tentation d'aller produire sur place. Au fil des ans, les implantations extérieures se multipliant çà et là, les actifs étrangers de la société vont devenir aussi importants que ceux de son pays d'origine. Voire supérieurs. Ainsi naît une firme multinationale.

Voilà pour le processus théorique. Pas si théorique que ça, d'ailleurs, puisqu'on pourrait le calquer — chiffres, dates et noms à l'appui — sur pas mal de cas concrets, avec, toutefois, quelques variantes.

Impérialisme

La recherche systématique de la grande série, élément moteur de la compression des coûts de revient, n'est pas toujours une panacée ; au-delà d'un certain seuil de gigantisme, les inconvénients l'emportent parfois sur les avantages ; c'est ce qu'on appelle les déséconomies de large échelle. De plus, l'éclatement des centres de production, inhérent au multinationalisme, oblige les entrepreneurs à fractionner les séries de production. Si bien que d'autres soucis que la grande série peuvent inspirer les amateurs de multinationalisme. Par exemple, la prospection des pays à bas salaires ou la chasse aux paradis fiscaux.

Dans le premier cas, des implantations seront opérées dans des parties du monde à main-d'œuvre bon marché, tels certains pays d'Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et, maintenant, l'Afrique et l'Extrême-Orient. Dans le second cas, des sièges sociaux de paille seront installés en Suisse, au Luxembourg ou au Liechtenstein. À ces considérations fiscales peut d'ailleurs s'ajouter le désir d'échapper le plus possible aux différentes contraintes administratives nationales.