Journal de l'année Édition 1973 1973Éd. 1973

Matières premières

Les prix de la quasi-totalité des matières premières industrielles et des denrées ont accusé des hausses considérables pendant le second semestre 1972 et les six premiers mois de 1973.

Les opérateurs à terme qui, pendant cette période, ont acheté des matières premières, c'est-à-dire spéculé à la hausse, ont eu raison. Ils ont gagné de fortes sommes sur toutes les places.

Ce renchérissement à porté en 12 mois les cours à leurs plus hauts niveaux depuis plusieurs années. En moyenne, après une hausse de 25 % en 1972 (sur la base de l'indice correspondant du Financial Times), les cours des matières premières ont bénéficié pendant les six premiers mois de 1973 d'une avance ultérieure de l'ordre de 50 %. Cette évolution a certes été facilitée par le bas niveau des prix pratiqués précédemment pour la plupart des produits en question.

Outre l'accroissement de la demande résultant de l'accélération de l'activité économique dans le monde, le mouvement ascendant a continué à refléter l'inflation, quoique les mesures de restriction du crédit et les hausses des taux d'intérêts qui se sont multipliées dans les pays industrialisés aient encouragé les consommateurs à réduire leurs stocks.

Les incertitudes monétaires et le flottement de la livre ont toutefois freiné les opérations à long terme. Le règlement du problème vietnamien, de son côté, a stimulé la demande, notamment pour les métaux, dans la mesure où il a fait croître la confiance dans l'industrie, la réduction de l'effort de guerre américain devant être compensée par la reconstruction des régions ravagées.

Le développement du commerce entre les États-Unis, d'une part, et l'URSS et la Chine, de l'autre, a également été un événement positif.

Les courtiers britanniques espèrent qu'à la suite de l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun la place de Londres deviendra progressivement le grand centre communautaire de négoce des matières premières. La place de Paris risque toutefois de tenir la dragée haute à sa principale concurrente. L'année 1972 a vu en effet l'ouverture à Paris du nouveau marché à terme des cafés Robusta, et les Pouvoirs publics semblent prêts à encourager de nouvelles initiatives de la part des commissionnaires agréés pour la cotation d'autres matières premières, notamment l'orge et la pomme de terre.

À Paris, seule place accessible aux spéculateurs français en raison du contrôle des changes assoupli en 1972 mais toujours omniprésent à la fin du premier semestre 1973, les engagements à la hausse ont été payants. En douze mois les prix du cacao ont presque doublé et ceux du sucre, augmenté de moitié.

Au niveau mondial, les prix atteints à la fin du premier semestre 1973 risquent de se révéler vulnérables, le président Nixon ayant demandé au Congrès d'approuver une réduction d'environ 85 % des stocks stratégiques américains, en vue de faciliter une stabilisation des prix, ce qui a d'ailleurs provoqué des protestations violentes de la part de nombreux pays producteurs du tiers monde.

Argent

Après de fortes fluctuations dans les deux sens, le cours de l'argent-métal a dépassé le niveau record de 1968. Relevant que la consommation a porté en 1972 sur un total de 422 millions d'onces, soit une progression de 9 % sur 1971, la firme new-yorkaise Handy and Harman estime que la demande est appelée à progresser davantage au cours des années à venir, sans qu'il y ait nécessairement une pénurie, les stocks d'argent détenus par les thésauriseurs étant très importants. Avec un cours nettement supérieur à 2 dollars l'once, la fonte de pièces d'argent démonétisées pourrait rendre disponible des quantités importantes.

Cuivre

Le cours du cuivre n'a pu réaliser d'importants progrès que depuis le début de 1973 : les recours intentés devant les tribunaux européens contre le gouvernement chilien par la Kennecott pour obtenir la saisie de cargaisons de cuivre, le ralentissement des livraisons de la Zambie, consécutif à la fermeture de la frontière entre ce pays et la Rhodésie, ainsi que les grèves au Chili expliquent notamment cette évolution.

Plomb

Une première phase de hausse a porté le prix du plomb, à Londres, de 93 livres à 125 livres la tonne métrique. Elle a été suivie d'une période de stabilité prolongée. La production mondiale de plomb raffiné a progressé, en 1972, de 3,4 % face à une relative stagnation de la demande (+ 1,5 %).

Zinc

L'accroissement de la production mondiale de zinc raffiné (+ 9 % en 1972) a été accompagné d'un développement correspondant de la consommation mondiale. La fermeture de certaines raffineries aux États-Unis a entraîné pour ce pays une diminution de la production d'environ 10 % et permis l'absorption sans heurts des quantités supplémentaires fournies par le Canada. La tension sur les cours s'est fortement accentuée au début de 1973.

Étain

En 1972, le cours de l'étain n'a réalisé que des progrès modestes. Cette évolution n'a d'ailleurs été possible que grâce à des achats de soutien effectués par l'organisme gérant du stock, tampon opérant dans le cadre de l'accord international sur l'étain. La production mondiale, en effet, a dépassé la demande d'environ 2 000 t. L'annonce, à la mi-janvier 1973, de stocks globaux de 12 500 t, chiffre nettement plus élevé que prévu, a été accompagnée par le rétablissement, depuis le 19 janvier 1973, d'un contingent d'exportation global de 77 600 t jusqu'au 30 juin 1973, ce qui s'est traduit par une réduction de la production de l'ordre de 3 %. Le marché a été ébranlé par la décision du président Nixon de demander au Congrès une réduction sensible des stocks stratégiques américains ; 9 000 t d'étain américain seront cédées d'ici mai 1974.

Céréales

L'amplification de la demande de céréales retient tout particulièrement l'attention parmi les matières premières agricoles. Pour l'année 1972-73 (année au 30 juin), le commerce mondial a atteint, avec environ 69 millions de t, un nouveau record, le maximum précédent – 62 millions de t – ayant été réalisé en 1965-66. Cette évolution est essentiellement imputable à l'URSS, dont les achats pour 1972 sont évalués à 18 millions de t (contre une moyenne de 5 millions de t par campagne au cours de ces dernières années). Cela à la suite d'une récolte désastreuse qui ne porterait plus que sur 84 millions de t contre une moyenne de 100 millions de t pour les deux années précédentes. La République populaire de Chine, de son côté, a également procédé à des achats se situant aux alentours de 4 millions de t.

Laine

Le prix de la laine a connu une hausse spectaculaire et a atteint son niveau le plus élevé depuis la guerre de Corée. Cette évolution s'explique à la fois par la vive demande des acheteurs – notamment en provenance du Japon – et par la réduction du cheptel ovin en Australie, dans le cadre d'une réorganisation systématique de l'élevage et de la production. Dès lors, les stocks disponibles sont rapidement revenus à leur niveau le plus bas depuis le milieu des années 60.

Coton

Les inondations en Louisiane ont eu des répercussions d'autant plus marquées sur les cours que, déjà précédemment, les stocks étaient revenus à un niveau particulièrement bas. Le marché n'est pas resté insensible à l'apparition des Chinois en tant qu'acheteurs de coton américain.

Cacao

La baisse de la production du Ghana (– 37 000 t), de la Côte-d'Ivoire (– 35 000 t) et du Cameroun (– 40 000 t) a provoqué une tension des cours : la firme londonienne Gill and Dufus estime le déficit des approvisionnements pour la campagne 1972-73 à 126 000 t.

Café

La hausse des cours a été précipitée en 1972 par une action conjointe des principaux pays producteurs, qui ont procédé à une limitation de leurs exportations en s'écartant des dispositions de l'accord international. Le but recherché était d'obtenir une compensation adéquate des pertes subies après la dévaluation du dollar de décembre 1971. Des négociations entreprises vers la fin de l'année 1972 entre producteurs et consommateurs sont restées sans résultats ; les consommateurs estiment que tant que les offres restent insuffisante, il n'y a pas lieu de contingenter les exportations.

Sucre

À la suite d'une récolte cubaine extrêmement décevante (4,4 millions de t en 1971-72 contre 5,5 millions de t pour la campagne précédente), le cours du sucre a connu une poussée de hausse d'autant plus prononcée que la production de sucre de betterave en Europe n'a que très peu augmenté.