À la CGC, la contestation de A. Malterre par certaines de ses fédérations (dont la métallurgie) montre bien qu'il y a là un phénomène général qui dépasse les querelles des personnes et les traditionnels affrontements idéologiques. Cette contestation est évidemment avivée par la pression des inorganisés, qui pèsent de plus en plus dans l'action revendicative par l'intermédiaire des comités de grève ou de luttes qui maintenant surgissent régulièrement dans chaque conflit.

Restent enfin les divergences entre organisations, qui ajoutent encore à la complexité de la situation sociale.

En première analyse on serait tenté d'opposer le socialisme de négociation de A. Bergeron, qui ne craint plus d'entrer à l'Élysée et d'en ressortir satisfait, au syndicat de la révolution incarné par la CGT et au syndicat de l'agitation représenté par CFDT. Il ne s'agirait pas d'une incompatibilité d'humeur, mais de la poursuite d'objectifs radicalement divergents, encore que la révolution et l'agitation fassent le front unique contre le socialisme de négociation de FO.

Jusqu'à présent, on assistait surtout à un duel polémique entre Georges Séguy et Edmond Maire, qui avaient pris l'habitude d'échanger publiquement des propos peu amènes. De temps en temps, avec un sourire en coin, on regrettait – surtout Georges Séguy – que le socialisme de négociation ne rejoigne pas, en la personne d'André Bergeron, le front commun CGT-CFDT.

Tout est changé depuis le dénouement du conflit Renault. La polémique oppose désormais Force Ouvrière aux alliés CGT-CFDT, qui constatent avec satisfaction l'harmonie de leurs relations après bien des péripéties.

Sur cette toile de fond, cependant, s'esquissent parfois des jeux contraires. Ainsi en mai FO-Hebdo, magazine de Force Ouvrière, dénonce l'attitude des militants CFDT accusés d'avoir trahis la grève du Tuboplast : « Cette grève a eu lieu malgré l'hostilité farouche de la CFDT. » De même, à la même époque, Corentin Calvez, secrétaire général de la CGC, consacre-t-il deux pages de l'organe de la CGC, Le creuset, à commenter l'unité de vues avec la CGT pour défendre les cadres face à la politique du gouvernement.

Finalement, pour les syndicats, il ne s'agit plus d'espérer dans l'immédiat un Grenelle, qu'il soit à chaud ou à froid.

On s'agite malgré tout, mais on négocie aussi tous azimuts sans faire les frais d'une action nationale incertaine.

Le tournant de la CFDT

Le 36e Congrès de la CFDT, tenu à Nantes du 31 mai au 3 juin, aura été l'occasion pour Edmond Maire de renforcer sa position à l'intérieur de la Confédération et vis-à-vis de ses partenaires des autres organisations syndicales ou politiques. À moins de trois semaines du Congrès socialiste de Grenoble, celui de la CFDT ne pouvait apparaître que comme une phase importante dans le rééquilibrage des forces de gauche vis-à-vis du PC. Le secrétaire général de la CFDT a voulu faire le coup de poing et démontrer la puissance du courant socialiste autogestionnaire qu'il représente. Nous sommes majeurs, a-t-il voulu dire, et il faudra bien que le PC s'habitue à nous, tels que nous sommes.

Parallèlement à cette offensive à l'égard du PC, le congrès devait infléchir la ligue confédérale à l'égard de l'action revendicative en condamnant nettement l'autogestion des luttes (assemblées générales des grévistes, plus comité de grèves élu) et une certaine escalade du vocabulaire.

C'est à une écrasante majorité que devait être adopté le rapport général d'activité (87,6 % de voix favorables) et réélu le secrétaire général, Edmond Maire (93,8 % des voix).

CGC : congrès d'attente

Transitoire mais aussi significatif, le 21e Congrès de la CGC (Paris 15-17 juin) n'a pas permis de trancher clairement le débat qui opposait depuis plusieurs mois A. Malterre à quelques dirigeants. Sans doute A. Malterre a-t-il été réélu à une majorité plus faible que les autres années (73,7 % des voix contre 94,3 % en 1971 et 81 % en 1969), mais ses principaux opposants (Fichefeux, Marchelli : métallurgie ; Beaujon : banque) ont été écartés des postes de direction.