Tout s'est passé très vite, vers 19 h 45. D'habitude, le CES est désert à cette heure-là. Ce mardi soir, toutefois, l'établissement, qui dépend de la Ville de Paris, donne asile au conservatoire municipal, dont les locaux sort devenus insuffisants. Pour la première fois, une soixantaine d'élèves de huit à quinze ans – trois des quatre classes de solfège – suivent le cours de théorie musicale au deuxième étage de l'immeuble, qui en comporte quatre : un bâtiment préfabriqué, construit en 1969. Brusquement, des flammes surgissent du rez-de-chaussée, et c'est la panique.

Drame

Des passants donnent l'alerte. Une centaine de pompiers munis de lances à grande puissance maîtriseront ce feu qui s'est propagé à une vitesse foudroyante. Entre-temps des voisins ont dressé des échelles et sauvé plusieurs dizaines d'enfants réfugiés sur une terrasse, au premier étage. D'autres élèves seront retrouvés plus tard, transis et hagards, dans les Buttes-Chaumont.

La catastrophe semble évitée. Mais vers 20 h 15, les trois étages supérieurs du CES s'effondrent progressivement : les poutrelles métalliques ont fondu, les dalles de béton éclatent. À 22 heures, les sapeurs procèdent à une première reconnaissance. Alors la tragédie se révèle : seize enfants, trois enseignants et la concierge ont péri.

Accusations

Dans un premier temps, l'enquête met en cause la qualité de la construction, l'insécurité des cloisons d'aggloméré et de matières plastiques dont la combustion a dégagé une fumée dense et toxique. En pleine campagne électorale, les pouvoirs publics sont mis en accusation, la Fédération Cornée des parents d'élèves et la FEN appellent à la grève des cours.

Mais une autre question trouve sa réponse le 11 février, avec l'inculpation de six élèves du CES. Avec ses complices, Patrick, quatorze ans et demi, a acheté deux litres de détachant dans une droguerie. Après la séance du ciné-club du CES, qui se termine vers 19 h 20, Patrick a pénétré par une fenêtre à glissière dans une classe de permanence et a répandu le liquide dans une corbeille à papiers. Puis il a craqué une allumette.

Petit, malingre, intelligent – bien qu'il redouble sa quatrième – Patrick se considérait, à tort ou à raison, comme le souffre-douleur du collège, celui que l'on soupçonnait sans cesse pour un carreau brisé, une serrure forcée, un pétard allumé. Après quatre heures d'interrogatoire, il explique : « J'en avais assez... Mais je ne savais pas qu'il y avait des élèves ce soir-là. » La question essentielle reste tout de même : pourquoi le CES a-t-il brûlé aussi vite ?

Le 17 février, le jeune Marc, un élève en fugue qui avait disparu depuis l'incendie et que l'on croyait être une vingt et unième victime, est retrouvé dans la famille d'un camarade. Avec lui, la mort a joué à cache-cache. Il y a 22 000 adolescents fugueurs, chaque année, en France.

Le drame de Saint-Amand-les-Eaux

Tornade ou bombardement ? C'est la vision désolée qu'offre la petite ville de Saint-Amand-les-Eaux (Nord) au soir du 1er février 1973. Sept morts, 30 blessés, 13 maisons rasées, 15 endommagées. La mort a pris la forme d'un camion-citerne chargé de 18 t de gaz propane. En plein après-midi, il s'engage dans l'étroite rue du Faubourg-de-Tournai. Le conducteur perd soudain le contrôle de son poids lourd, qui se renverse sur une voiture ; quelques minutes plus tard, c'est l'explosion. Tout un quartier de la ville est ravagé. Saint-Amand-les-Eaux est déclaré zone sinistrée (les dégâts s'élèvent à 3 millions de F). Pourtant, le transport des produits dangereux est soumis à un règlement sévère. L'insuffisance des infrastructures autoroutières face au développement du transport routier est-elle en cause ? Le 8 février 1971, le maire de Saint-Amand-les-Eaux avait pris un arrêté tendant à interdire la circulation des poids lourds dans sa ville. L'arrêté ne fut jamais approuvé par les pouvoirs publics.

Trois autres accidents dus à des transports routiers devaient par la suite sensibiliser l'opinion.

Bernay (Eure), 7 juin. Le chauffeur d'un poids lourd de 35 t perd le contrôle de son véhicule qui s'engage à grande vitesse dans une rue étroite du centre : 5 morts, 8 blessés graves.