Éducation

Le rapport de l'Unesco : une remise en question fondamentale

L'histoire des phénomènes culturels est faite autant des questions suscitées que des réponses apportées. À la question posée dans les années 60 : « Comment satisfaire à la demande dans le cadre actuel des systèmes d'éducation ? » a succédé dans les années 70 l'interrogation sur l'instrument éducatif lui-même et sur son adaptation aux besoins.

Stratégies

La réponse apportée à ces problèmes par le rapport de l'Unesco présidé par Edgar Faure marque une étape importante pour l'histoire de l'éducation. Il présente pour la première fois, au terme d'une vaste enquête conduite dans vingt-quatre pays – développés ou en voie de développement, capitalistes ou socialistes –, une analyse d'ensemble sur « les stratégies de l'éducation » et formule une série de recommandations.

Depuis 1968, de nombreuses recherches de ce genre sont menées dans différents pays ; les maux dont souffrent les systèmes d'enseignement et les remèdes propres à y répondre ont fait l'objet d'études variées. Mais le travail systématique entrepris par les membres de la commission, les moyens importants mis à leur disposition, le prestige même de leur nom (à celui d'Edgar Faure il faut ajouter ceux de Felipe Herrera, Chili ; Abdul Razak Kaddoura, Syrie ; Henri Lopes, Congo ; Majid Rahnema, Iran ; Frederick Champion Ward, USA et Arthur V. Petrovski, URSS, lequel, d'ailleurs, a émis quelques réserves sur les conclusions de la commission) et la diversité de leur origine géographique, la caution de l'Unesco enfin, tout cela confère au document une autorité particulière.

Contestation

Pourquoi cette interrogation nouvelle sur l'école, pourquoi cette mise en question du système éducatif lui-même dans ses formes et jusque dans sa nature, pourquoi ce soupçon porté à l'égard de ses possibilités qualitatives alors qu'on s'était plutôt employé au cours des dernières années à répondre à ses insuffisances quantitatives ?

Au point de départ de l'enquête se trouve une constatation exprimée par Edgar Faure et confirmée par l'apparition, un peu partout dans le monde, de mouvements de contestation universitaire : « partout où il existe un système éducatif traditionnel, éprouvé de longue date, et dont on pensait qu'il suffisait de lui apporter de temps à autre quelques perfectionnements légers, quelques adaptations semi-automatiques, ce système suscite une avalanche de critiques et de suggestions qui vont souvent jusqu'à le remettre en cause dans son ensemble... Là où le système éducatif est installé de fraîche date et copié sur des modèles étrangers, ce qui est le cas ordinaire des pays en voie de développement, de graves déconvenues apparaissent ».

Déphasage

Le diagnostic est simple, si le traitement est malaisé : l'éducation n'a pas suivi le développement à la fois politique, économique et scientifique de la société et se trouve donc aujourd'hui en déphasage par rapport aux exigences nouvelles nées de cette triple évolution.

– Dans l'ordre politique : l'expansion du droit à l'instruction, des aspirations à la démocratie, des tendances à l'égalité impose désormais que l'éducation ne soit plus réservée à un petit nombre, mais qu'elle contribue à la promotion de tous.

– Dans l'ordre économique : le progrès technique transforme les métiers traditionnels et crée de nouvelles catégories d'emploi qui exigent d'amples moyens de formation ou de recyclage.

– Dans l'ordre scientifique : le développement rapide des connaissances rend impossible d'enseigner une fois pour toutes, dans leur enfance, aux futurs travailleurs, les éléments dont ils auront besoin à l'âge adulte ; la qualification professionnelle n'est plus acquise à jamais, elle est constamment remise en cause par l'évolution de la science et requiert donc des individus qu'ils aient les moyens de se recycler.

Élitisme

Or, le système d'éducation est encore actuellement hors d'état de répondre à ces trois types de préoccupations. C'est en effet un système élitiste, fondé sur l'inégalité et la sélection : « Une telle conception de la promotion sociale par l'éducation, écrivent les auteurs du rapport, est typique des sociétés bloquées qui n'ont d'autre objet que leur propre perpétuation... Le mécanisme a pour triple fonction de constituer une soupape de sûreté sociale, de donner bonne conscience au groupe dominant et d'assurer l'apport de forces fraîches. »