Le baiser de paix échangé avec Paul VI à Jérusalem en 1964, 1 010 ans après la rupture entre les deux Églises, restera comme le sommet de son règne.

Élections

À la surprise de tous les observateurs, pour succéder à ce géant, le saint-synode de Constantinople élit, le 16 juillet 1972, le plus jeune et le moins connu de ses membres : le métropolite Dimitrios Papadopoulos. Âgé de 58 ans, il n'est métropolite que depuis février 1972. On fait état de ses qualités d'accueil, de sa bonté, de son sens de la justice. Mais on s'interroge : pourquoi cette élection, alors que, depuis des années, le métropolite de Chalcédoine, Meliton, apparaissait comme le disciple, l'homme de confiance, l'héritier d'Athénagoras ?

La réponse réside dans la situation délicate qui est celle du Phanar – le patriarcat de Constantinople – à l'intérieur de l'État turc, pays musulman où l'héritage laïque de Mustapha Kemal est de plus en plus remis en cause. C'est comme si le Vatican était situé dans une Italie professant une religion non catholique et un anticatholicisme militant. Pourtant, les patriarches se refusent à quitter le site qui fut celui de Byzance et d'où ils tirent la justification profonde de leur primauté dans l'orthodoxie.

Par le traité de Lausanne, en 1923, les grandes puissances européennes se sont portées garantes de l'indépendance du patriarcat œcuménique et de son libre fonctionnement. Mais, en fait, ces dernières années, cette indépendance a été plusieurs fois menacée par la Turquie.

Veto

Dès que le siège patriarcal est vacant, les autorités d'Ankara font savoir qu'elles opposeraient leur veto à l'élection de plusieurs métropolites dont, en premier lieu, Mgr Meliton et aussi Mgr Iakovos, archevêque des Amériques – qui n'est même pas autorisé à entrer en Turquie pour participer aux obsèques d'Athénagoras. Ces prélats sont soupçonnés par les Turcs d'être favorables au rattachement de Chypre à la Grèce. Pour le saint-synode, il ne saurait être question de passer outre. Rapidement, après trois jours de délibérations, il élit le métropolite Dimitrios par 12 voix contre 3 à Mgr Nicoleos. Tout indique que Mgr Meliton a soutenu la candidature de Mgr Dimitrios et qu'il a une certaine influence sur le nouveau patriarche.

Très vite, d'ailleurs, ce dernier, Mgr Dimitrios, a manifesté la ferme détermination de suivre la voie ouverte par son prédécesseur, en particulier en ce qui concerne les relations avec l'Église romaine. « Vous trouverez toujours dans l'évêque de Rome un frère très aimant », lui télégraphie Paul VI dès le lendemain de son élection. Au-delà de l'œcuménisme, dans son discours d'intronisation, le nouveau patriarche affirme son intention de promouvoir le dialogue avec l'Islam.

Dimitrios encourage également la préparation du grand concile de tous les orthodoxes voulu par son prédécesseur. Mais les progrès de cette préparation n'ont pas été spectaculaires cette année. La première conférence panorthodoxe préconciliaire qui devait se tenir en juillet 1972 a même dû être ajournée.

Russie

Le patriarche de Moscou, Pimen, séjourne en Grèce pendant une semaine, du 18 au 27 octobre. Au printemps 1972, il avait déjà effectué un périple au Proche-Orient et en Europe orientale. De tels déplacements, tout à fait nouveaux dans l'histoire du patriarcat, sont un nouvel indice de l'importance que l'Église russe attache à son dialogue avec les autres Églises du monde entier et d'abord ses sœurs de l'orthodoxie. Ses théologiens prennent une part de plus en plus grande aux travaux et aux recherches du Conseil œcuménique des Églises. Il s'agit là d'une preuve de vitalité.

Silences

C'est un peu cette vitalité que contestait au printemps 1972 l'écrivain Alexandre Soljenitsyne en faisant circuler une lettre au patriarche dans laquelle il reprochait à la hiérarchie ses prudences et son silence devant les contraintes imposées à l'Église par l'État soviétique. Naturellement, le patriarche Pimen n'a pas répondu. Un prêtre, le P. Jedloukov, à qui des protestations contre la répression des chrétiens et des intellectuels avaient valu auparavant des ennuis avec l'administration, l'a fait à sa place. Dans une lettre à Soljenitsyne, il affirme que le patriarche ne peut adopter un autre comportement sous peine de compromettre ce qu'il reste de possibilité de vie religieuse. S'il démissionnait en signe de protestation, par exemple, un autre devrait prendre sa place et « tout resterait comme avant ».

Liberté

On peut cependant se demander si le patriarche agit en toute liberté lorsque, en novembre 1972, il démet l'évêque de Vologda, Mgr Paul, de toutes ses fonctions pour « conduite indigne et incapacité à diriger la vie de l'Église ».