Or ces différences, formelles bien souvent entre protestants, touchent à des points essentiels de division profonde avec, notamment, le catholicisme : le sacrement de l'eucharistie, la nature de l'Église, les ministères, etc. Ce thème des ministères (ou du sacrement de l'ordre) a précisément fait l'objet d'une étude approfondie de nombreuses assemblées protestantes et, principalement, du 66e Synode national de l'Église réformée de France tenu, début mai 1973, autour du sujet Mission de la communauté chrétienne et diversité des ministères.

Mais, plus importante encore aura été la question posée elle aussi partout : quelle est aujourd'hui la mission spécifique de la communauté chrétienne ?

Ainsi formulée ou non, ce fut l'interrogation de très nombreuses assemblées mondiales ou régionales catholiques, orthodoxes et protestantes. Ce n'est pas, par exemple, un pur hasard si, en octobre-novembre 1972, l'Assemblée de l'épiscopat français et l'Assemblée triennale du protestantisme français auront eu pour thèmes centraux, la première, Foi et politique, la seconde Espérance et politique.

Engagements

L'Assemblée protestante, tenue à Caen, faisait suite aux échos tumultueux et contradictoires suscités par la diffusion et l'étude du document intitulé Église et pouvoirs.

Ce document, répondant à une recommandation de l'assemblée précédente, faisait l'analyse de la société actuelle pour finalement la condamner au nom de l'Évangile et inviter les chrétiens à en faire craquer le système soit par la voie d'un réformisme hardi, soit par la voie révolutionnaire. En fait, ce document comme l'assemblée de Caen ont essayé de répondre à la question de la mission de l'Église aujourd'hui. Le thème de l'assemblée, Notre Espérance et ses engagements, précisait déjà que le document comme les travaux de Caen écartaient dès l'abord toute option politique partisane. Il s'agissait bien de l'Espérance chrétienne dont le Nom est Jésus-Christ et de Ses engagements, qui peuvent certes être récupérés par telle ou telle fraction partisane, mais qui, cependant, sont en eux-mêmes les engagements concrets auxquels l'Espérance invite les chrétiens contemporains de tout bord.

C'est bien pourquoi il y fut traité de problèmes actuels, comme par exemple les prisons, la radiodiffusion, les travailleurs migrants, et, bien entendu, des rapports de l'Église avec les divers pouvoirs (politique, économique, culturel, technique, etc.).

Mal aimés

Il faut donc souligner l'importance des interventions qui furent faites, et en particulier celle du leader principal, le professeur luthérien de Strasbourg Marc Lienhard. Comme Mgr Matagrin à l'Assemblée de Lourdes, il ne cessa de recentrer le débat général sur la personne du Christ. Non pour escamoter le problème, mais pour lui donner au contraire toute son ampleur, car il est vite apparu là, comme dans d'autres assemblées mondiales, que l'exigence évangélique manifestée par le Ressuscité de Pâques va infiniment plus loin que tous les engagements partisans, qu'elle vise à l'absolu du Don de soi pour le bonheur des autres, en particulier des plus petits, des oubliés de la croissance, des mal aimés de ce temps. Il est vite apparu qu'une synthèse pouvait enfin être amorcée « entre ceux qui ne regardent qu'au ciel et ceux qui ne voient que la terre ».

Est-ce un signe d'espérance pour le réveil et l'unité des Églises ? Au moment où le mouvement charismatique Jesus Revolution venu des États-Unis gagne la jeunesse, la communauté de Taizé (après avoir accueilli durant l'été plus de 60 000 jeunes venus de tous les coins du globe) prépare activement pour 1974 son Concile des jeunes.

Œcuménisme

Le XXe siècle sera, pour l'avenir, le siècle de la grande rupture de l'histoire humaine. Il a été écrit à ce sujet, en 1972, que « pour en prendre la mesure [...] il faut avoir conscience qu'un homme d'âge mûr est né au milieu de l'histoire : il s'est passé autant de choses depuis sa naissance qu'il s'en était passé depuis six mille ans... » (R. Garaudy, Alternative).

L'œcuménisme est un élément – cause ou effet ? – de cette rupture, et c'est pourquoi, dans la mesure même où il s'agit d'un mouvement inséré dans une formidable mutation, il est périlleux de vouloir en dresser un bilan objectif d'année en année.