Si, comme le pense le Dr Cantoni, le système nerveux central contrôle l'économie organique par l'intermédiaire de courants électriques continus, toute piqûre au niveau de la peau, en provoquant des variations de potentiel à distance, agirait sur le système nerveux central : les essais menés par le Dr Cantoni sur des sujets volontaires isolés dans une cage de Faraday apportent des éléments précis à la vérification de cette hypothèse.

D'autres expériences, dirigées par le Dr Borsarello, débouchent sur des constatations voisines. C'est dire que l'explication de l'acupuncture est en bonne voie. Ne nous hâtons pas trop en la matière, en rappelant que, si l'aspirine est utilisée depuis le 1er février 1899, le mécanisme de son action analgésique commence seulement à être connu...

Psychosomatique

Il existe assez peu d'études cliniques contrôlées en Occident. Certes, les médecins acupuncteurs présentent un nombre considérable d'indications de l'acupuncture. Le Dr Cl. Le Prestre les énumère ainsi : « L'acupuncture est d'abord la thérapeutique de la douleur ; elle soulage sciatiques, lombalgies, névralgies diverses, céphalées, douleurs articulaires, rhumatismes, douleurs postopératoires, douleurs dentaires... Les maladies psychosomatiques sont le grand domaine de l'acupuncture... »

Pour les maladies organiques pures (comme un cancer du rein, une lithiase vésiculaire, une tuberculose pulmonaire, une grossesse extra-utérine), le médecin acupuncteur doit les reconnaître afin d'adresser le malade à un confrère spécialisé : dans ces cas, il ne peut que calmer une douleur ou une angoisse dépendant de la lésion.

En clientèle privée, ces médecins acupuncteurs fournissent des statistiques de résultats assez éloquentes, mais difficilement contrôlables ou difficilement critiquables.

Placebo

Aussi est-ce avec intérêt qu'on attend en France la conclusion d'une vaste enquête thérapeutique dirigée au Centre de rhumatologie Viggo Petersen (hôpital Lariboisière, Paris) par les docteurs Man Dohn et Phan Kim Koupernik. Plusieurs centaines de malades (133 par série d'expériences) souffrant de rhumatismes sont traités par l'acupuncture. L'expérience est menée en simple aveugle : à tout groupe de malades soignés par acupuncture correspond un groupe de malades de même nombre traités par acupuncture placebo, c'est-à-dire fictivement ; les premiers subissent les petites aiguilles aux points requis, les seconds sont piqués en dehors des méridiens et des points correspondant à leurs algies. Cette vaste expérimentation a commencé en 1971. Les résultats ne seront probablement connus qu'en 1974.

Peut-être permettront-ils de déceler si l'acupuncture n'a qu'un simple effet placebo, le psychisme du malade jouant un rôle déterminant.

Dans le domaine de l'acupuncture et de l'anesthésie, on dispose de quelques éléments : plus de 400 000 interventions chirurgicales variées ont été réalisées en Chine depuis 1958 sous anesthésie par acupuncture.

Échec

Aucune statistique d'ensemble n'a été publiée par les Chinois, qui se bornent à indiquer qu'avec cette méthode ils obtiennent de 85 à 90 % de succès. Mais des médecins occidentaux qui ont pu assister à plusieurs opérations réalisées sous acupuncture en Chine ont été surpris par le fait que les chirurgiens chinois considéraient comme un succès ce qu'ils estimaient, eux, constituer un échec : pendant l'opération, les patients poussaient des cris, s'agitaient, devenaient blafards ou gémissaient – tandis que des injections locales de novocaïne calmaient leurs douleurs.

Cobaye

L'un des rapports médicaux les plus impressionnants sur l'anesthésie par acupuncture en Chine a été présenté par le Dr Marcel Gemperlé, professeur d'anesthésiologie à la faculté de médecine de Genève, le 7 décembre 1972, devant la Société suisse de chirurgie. Le Dr Gemperlé a assisté, au cours d'un voyage en Chine, à six interventions chirurgicales sous acupuncture : l'une constitua un gros échec (il s'agissait d'une lobectomie pulmonaire), mais les opérateurs chinois parlèrent de succès. D'autre part, le Dr Gemperlé demanda une anesthésie par acupuncture... pour lui-même : les aiguilles furent posées aux endroits choisis pour l'intervention fictive envisagée (une thyroïdectomie), mais quand le chirurgien commença « à tester l'analgésie avec une pince de Kocher à la place de l'incision prévue », le Dr Gemperlé sentit parfaitement la pince.

Le second souffle de l'électro-anesthésie

Avec une communication des docteurs M. Cara, C. Debras, B. Dufour et A. Limoges devant l'Académie de médecine, l'anesthésie électrique a fait sa rentrée dans la médecine moderne.

Minicourant

Une rentrée d'autant plus fracassante que cette méthode avait été totalement abandonnée depuis une dizaine d'années, en raison des inconvénients présentés pour les patients et des échecs enregistrés. Et pourtant l'idée est séduisante d'anesthésier un être vivant en agissant directement sur certaines zones du cerveau à l'aide d'un minicourant électrique : dès 1902, le Français Leduc réalisa sur lui-même et sur des animaux des électro-anesthésies avec un courant rectangulaire d'intensité moyenne de 0,5 à 10 milliampères. Après lui, des dizaines de chercheurs perfectionnèrent cette technique ; le Français André Djourno et le chirurgien indien K. R. Ramaka tentèrent quelques essais chez l'homme. De leur côté, les Soviétiques (Kuzin), les Autrichiens (Wageneder) et les Japonais (Shi Modji) se servaient de l'anesthésie électromédicamenteuse – c'est-à-dire courant associé aux barbituriques –, afin de procéder à des interventions chirurgicales. Là encore les résultats furent discutables.

Technique

Ce n'est qu'en 1971 que l'équipe de M. Cara, après de nombreuses expériences préliminaires, expérimenta à son tour l'électro-anesthésie médicamenteuse en chirurgie urologique majeure : à la fin de 1972, une cinquantaine d'interventions avaient été réalisées chez l'homme. Pour l'essentiel, le protocole anesthésique est simple et répond à trois impératifs :
– nature du courant. C'est un courant unidirectionnel constitué par des trains rectangulaires de haute fréquence, d'une intensité moyenne de 1,6 milliampère ;
– emplacement des électrodes. La cathode, d'un diamètre de 2 cm, est placée entre les deux sourcils ; les deux anodes, d'un diamètre de 5 cm, en arrière des mastoïdes ;
– les médicaments employés. Après une prémédication de routine (un vagolytique plus un tranquillisant), l'anesthésie est faite par l'injection intraveineuse d'un neuroleptique, d'un analgésique et d'un narcotique, qui assurent une anesthésie de trente à soixante minutes.

Avantages

Pour les premières opérations où l'électro-anesthésie prit le relais de l'anesthésie médicamenteuse, l'incision chirurgicale n'a jamais provoqué de réaction du patient – la durée des opérations variant entre deux et cinq heures.