Une deuxième passe d'armes a eu lieu à Paris, où la Conférence générale de l'UNESCO a adopté, le 15 novembre 1972, une déclaration proclamant que la télédiffusion par satellite doit respecter la souveraineté des États dans les trois domaines de l'information, de l'enseignement et de la culture. La déclaration invite donc les États membres à conclure des accords (entre « pays d'origine » et « pays récepteur »), y compris en matière de publicité commerciale.

L'URSS, la France et 53 autres pays ont voté en faveur de cette résolution, 22 autres se sont abstenus et 7 ont voté contre, y compris les États-Unis, pour lesquels la résolution adoptée viole le principe du libre-échange des idées et constitue une « entrave à la liberté commerciale ».

Intelsat

Entre-temps, le 9 octobre, Richard Nixon avait annoncé officiellement que les États-Unis étaient prêts à fournir des lanceurs et à mettre sur orbite des satellites à visées pacifiques et « compatibles avec les accords internationaux », tout en précisant que parmi ces accords figure celui qui a institué l'Intelsat (organisation qui détient actuellement le monopole des satellites de télécommunications, exception faite de ceux de l'Union soviétique). Si donc un pays veut se servir d'un lanceur américain, il lui faudra obtenir l'accord de l'Intelsat, organisation contrôlée par les États-Unis.

L'Union soviétique, sous le nom d'Intercosmos, continue de lancer des satellites scientifiques conçus en collaboration avec les démocraties populaires. Elle a proposé de lancer un satellite de l'ESRO dans le cadre de la campagne mondiale pour l'étude de la magnétosphère.

France

Les rapports franco-soviétiques en matière de recherche spatiale évoluent favorablement. Indépendamment des réunions périodiques des commissions de travail mixtes, une importante conférence au plus haut niveau a eu lieu à Tbilissi du 18 au 27 septembre 1972 ; l'académicien Boris N. Petrov conduisait la délégation soviétique et Jean-François Denisse, président du CNES, était à la tête de la délégation française.

Après qu'on ait passé en revue chacun des programmes en cours, d'autres projets ont été adoptés : campagne de tirs conjugués de fusées-sondes, notamment à partir des îles Kerguelen ; lancement par une fusée française Éridan d'un accélérateur de particules qui, injectées à 120 km, suivront des lignes de force du champ magnétique et iront provoquer une aurore boréale au-dessus d'une zone connue de l'URSS ; observation de satellites avec du matériel soviétique installé à Kourou (Guyane) et aux Kerguelen ; lancement par l'URSS du satellite technologique français SRET 2, destiné à expérimenter en vol le radiateur thermique du futur satellite européen Météosat ; étude des effets des rayons cosmiques sur des échantillons biologiques emportés par des engins soviétiques ; étude des résistances immunologiques (en collaboration avec l'Institut Pasteur), etc.

Les Soviétiques ont procédé, en décembre 1972, à une nouvelle distribution d'échantillons du sol lunaire ramenés par leurs sondes automatiques. Bénéficiaires : la France, la Grande-Bretagne, l'Inde, les États-Unis et, bien entendu, les démocraties populaires. Et les Américains ont distribué à de nombreuses équipes de plusieurs pays, y compris la France et l'Union soviétique, des spécimens du sol lunaire collectés par l'équipage d'Apollo 17.

Fin de l'Europe spatiale

Les divergences qui, dès leurs origines, se manifestaient au sein des deux organisations de l'Europe spatiale n'ont cessé de s'exacerber après le dixième échec (sur dix tirs !) du lanceur Europa, en novembre 1971. Dans un premier temps, conformément au voeu des Britanniques, une décision de principe a été prise en vue de fondre dans une nouvelle agence spatiale européenne l'ESRO (satellites et leurs applications) et l'ELDO (lanceurs). Le 27 avril 1973, le Conseil de l'ELDO, sur proposition de la France et de l'Allemagne, décide d'arrêter l'exécution du programme Europa. Le 1er juin, c'est le licenciement du personnel à l'exception d'un petit noyau de spécialistes. L'espoir subsiste que Français et Allemands réussissent à intéresser les autres membres de l'organisation à la construction d'un lanceur entièrement nouveau, le L-3S de conception française. Ainsi serait préservée l'indépendance de l'Europe spatiale tout en lui permettant de conserver son potentiel technologique et industriel dans le domaine d'avenir qu'est l'exploitation de l'espace.

Les grands axes des activités du CNES

Le Centre national d'études spatiales (CNES) a connu en 1972, l'année de son dixième anniversaire (Journal de l'année 1971-72), une période de transition et de réorganisation. Après les années consacrées à la formation du personnel et à la mise en place de l'infrastructure, après les programmes purement expérimentaux, le CNES consacre maintenant une grande partie de ses activités aux applications de la recherche spatiale.

Géodésie

Ces efforts porteront leurs fruits dans les années à venir : satellite de télécommunications franco-allemand Symphonie ; satellites D-2B, astronomique, et Starlette, géodésique à télémétrie par laser, pour 1974 ; satellite Dialogue, pour la géodésie et la localisation de mobiles terrestres, pour 1975 ; cet engin est le prototype du satellite opérationnel Géole (1978) ; participation à la construction du satellite météorologique Tiros N américain (1976) ; étude, avec l'ORTF, d'un satellite de télédiffusion directe, etc.