Pierre Vozlinsky, pour lequel on a créé cette charge, était auparavant producteur, puis chef du service de la musique à la télévision. Aussitôt en place, il a entrepris une grande négociation interne avec les syndicats, nommé Denise Billon à la télévision et Gilbert Amy à la direction des services musicaux de la radio, ce qui laisse augurer un retour en force de la musique contemporaine dans les programmes.

Festivals

Au chapitre des festivals, il faut remarquer que leur nombre va sans cesse croissant, comme s'ils devaient pallier ainsi l'insuffisance des institutions permanentes. Pour la seule année 1972, on en a recensé 283 dont la plus grande partie dans le sud du pays. À signaler la renaissance des Chorégies d'Orange qui, sous la nouvelle direction artistique de Jacques Bourgeois, montent désormais chaque année, outre les concerts habituels, un grand opéra (le Trouvère, de Verdi, en 1972 ; Tristan et Isolde, de Wagner, en 1973), dans une distribution exemplaire et devant un immense public. Pendant ce temps, le Festival d'Aix-en-Provence traverse une crise très grave qui le contraint, pour la première fois de ses vingt-six ans d'existence, d'abandonner toute représentation lyrique, alors que le festival Musique dans la rue, qui le précède sur les mêmes lieux, connaît depuis 1972 un grand succès.

À Paris, le premier Festival d'automne, confié à Michel Guy, s'oriente délibérément vers l'art actuel, s'attaque à toutes les disciplines et regroupe plusieurs cycles de manifestations qui existaient déjà, comme les Journées de musique contemporaine. C'est ce qui a permis la coûteuse réalisation du Polytope de Cluny, actions de lumière et de son (rayon laser, flashes électroniques, musique électro-acoustique), d'Iannis Xenakis. Du 17 octobre 1972 au 30 juin 1973, ce spectacle d'avant-garde a attiré quelque 70 000 visiteurs.

Si la saison parisienne du Domaine musical n'a pas eu de succès retentissant (sauf celui de la version définitive des Momente, de Stockhausen, dirigée par l'auteur), si le grand cycle de concerts organisé en mars et avril par Diego Masson et son ensemble Musique vivante n'a pas réussi a faire le plein du Palace, c'est en province que la musique nouvelle gagne maintenant du terrain.

Les maisons de la culture de Bourges, Rennes, Grenoble, Nevers, Angers, Saint-Étienne, Amiens, Chalon-sur-Saône, les associations spécialisées de Strasbourg et Nancy, entre autres, ont présenté cette année de véritables festivals d'initiation.

En novembre 1972, le huitième Sigma de Bordeaux, « semaine de recherche et d'action culturelle », a fait une place importante à l'expérience musicale et, notamment, à l'électro-acoustique. Au même moment, le vif intérêt suscité à Metz par les premières Rencontres internationales de musique contemporaine – marquées surtout par le concert inaugural de l'Ensemble européen – prouvait bien que ce genre de manifestation est aujourd'hui possible partout et non plus seulement dans les grands centres de villégiature ou dans les villes universitaires. En mars, les Semaines de musique contemporaine d'Orléans n'allaient pas donner moins de 13 concerts, avec des groupes venus de Yougoslavie, Suisse, Angleterre, Espagne, Pologne.

La guerre entre festivals laissait craindre le pire pour le 10e anniversaire de Royan et les premières Rencontres d'art contemporain de La Rochelle, les deux festivals rivaux qui se déroulaient en même temps à Pâques ; il n'en a rien été. Dans toute la France, le public de l'avant-garde est en passe de devenir un grand public tout court.

Crédits

Pourtant, les pouvoirs officiels ne semblent pas s'en soucier outre mesure. L'aide qu'ils apportent à la nouveauté est de plus en plus insuffisante face aux besoins, pour ne pas dire face au marché. Ainsi, pour 15 formations instrumentales conventionnées par le ministère des Affaires culturelles, et totalisant un minimum imposé de 459 concerts par an, il n'y a que 6 formations à vocation de musique contemporaine, tenues à ne donner que 93 concerts dans l'année.