Cette transformation peut marquer un tournant décisif en bien des domaines, par sa valeur d'exemple et par cette conséquence, entre autres, qu'elle a pour objectif assez clair de briser, en même temps que le travail à la chaîne, la cohésion des ouvriers qui y sont liés, et par là même celle des cellules de base dont les délégués élus directement, hors de toute appartenance syndicale, composent le conseil d'usine. À long terme, cette structure nouvelle, que les centrales syndicales veulent développer et contrôler, se trouve menacée. Mais les relations des partenaires sociaux, que les uns et les autres associent à la relance de la productivité, s'en trouveront transformées de façon encore indiscernable.

Troubles

Au fil des mois, des mouvements de grèves locales ou échelonnées par provinces ou par régions (selon un calendrier que les centrales syndicales reprennent à leur compte plus qu'elles ne le déterminent) font que cette agitation sociale n'entraîne pas une perturbation de l'ordre public.

L'année est ponctuée d'incidents de nature politique dont parfois les conséquences pourraient être dramatiques : bombes sur des trains en Calabre (octobre 1972), sur le Venise–Padoue (novembre), sur le Turin–Rome (avril 1973) ; attentats contre des cortèges ou des manifestations, notamment le 17 mai à Milan, à la sortie de la préfecture de police que Mariano Rumor, le ministre de l'Intérieur, vient de quitter.

Ces engins font des morts isolés, des blessés, dont quelques-uns succombent après plusieurs jours, mais jamais les massacres que feraient prévoir les conditions de l'incident. Ce fait constant incite à s'interroger sur le caractère déterminé d'une stratégie dont les inspirateurs ne trouveraient que des exécutants affolés ou incompétents. Et pourtant le déroulement de ces incidents, leur répétition, ne trouvent aucune explication convaincante. S'agit-il d'individus qualifiés d'anarchistes et qui seraient des exaltés solitaires ?

Un fait apparaît pourtant : cet enchaînement se relie aux milieux d'extrême-droite, et souvent les responsables arrêtés appartiennent ou ont appartenu aux groupements dépendant du Mouvement social italien de Giorgio Almirante. Depuis qu'il a absorbé les monarchistes dans la droite nationale et choisi le parti de la respectabilité parlementaire, ce dernier désavoue fortement tous les contestataires, partisans de la violence, situés sur sa droite. Dans quelle mesure, cependant, n'inspire-t-il pas cette tactique ?

La Chambre votera le 23 mai 1973 la levée de son immunité parlementaire pour donner libre cours aux poursuites contre lui pour reconstitution du parti fasciste. Jamais encore la loi de 1952, qui les autorise, n'a été appliquée. La mesure pourra se révéler à la fois inévitable et inopportune : si l'instruction n'aboutit pas ou si G. Almirante est acquitté, il en tirera une auréole de martyr et la confirmation du personnage de conservateur respectueux de la voie parlementaire qu'il se donne.

Il demeure que les groupes contestataires de gauche ont eu moins de part aux désordres publics, mais que leurs responsables sont d'autant plus fréquemment poursuivis que les partis de gauche prennent grand soin de les isoler. Simultanément, c'est très lentement que procède l'enquête sur les attentats de Milan du 12 décembre 1969 (Journal de l'année 1969-70). L'anarchiste Pietro Valpreda, accusé de les avoir commis, est mis en liberté provisoire le 28 décembre, tandis que deux personnalités d'extrême-droite sont inculpées pour le même fait.

À maintes reprises, le ministre de l'Intérieur attribue ces attentats à « l'aventurisme de droite » ; d'autres personnalités démocrates-chrétiennes évoquent un complot international. Mais les preuves en font défaut. De part et d'autre, on s'accuse à coup de présomptions, voire de vraisemblance, mais les enquêtes s'enlisent aussi soudainement que les événements éclatent. Ainsi d'un scandale sur les interceptions téléphoniques, qui fait grand bruit en mars 1973 et se liquide en mai, discrètement, par la mise en liberté provisoire des inculpés, qui ne font pas mystère d'avoir été liés au Mouvement social italien.

Centre gauche

C'est en majeure partie la fragilité de sa majorité qui a empêché Giulio Andreotti de mener la politique pragmatique qu'il avait définie. Passé les mois où crédit lui était fait, son existence n'a été qu'une bataille quotidienne de survie dans l'attente du congrès démocrate-chrétien qui se tient à Rome du 6 au 12 juin. Les socialistes, en effet, au cours de leur congrès de Gênes en novembre, se sont déclarés disponibles à la reconstitution du centre gauche et les communistes les y encouragent.