La tendance à l'admission du Bangla Desh s'annonce majoritaire à l'Assemblée générale des Nations unies, en novembre 1972. Islamabad, le 21, se déclare prêt à libérer 15 000 femmes et enfants bengalis. L'Inde et le Bangla Desh ont fait le premier pas, les 7 et 20 novembre, en permettant à 6 344 femmes et enfants pakistanais de regagner leur pays. Le 1er décembre, le Pakistan libère tous les prisonniers indiens (616). L'Inde fait de même avec les soldats capturés sur le front occidental (540). Le cessez-le-feu est signé le 11 décembre. Les deux armées se retirent de chaque côté de la frontière, qui est, à quelques détails près, celle d'avant le conflit.

La temporisation d'A. Bhutto, le poids des prisonniers sur le budget indien (350 millions en juin 1973) ont porté. L'Inde et le Bangla Desh, en avril 1973, adoptent une attitude plus souple sur le principe de la reconnaissance et sur le sort des prisonniers de guerre. A. Bhutto maintient sa position ; dans la nuit du 5 au 6 mai, 150 ex-fonctionnaires bengalis sont suspendus à Islamabad, 103 emprisonnés, plusieurs milliers internés.

40 000 militaires et leurs familles le sont déjà. Cette politique revient cher aussi à A. Bhutto, mais, avec le refus de reconnaître le Bangla Desh, elle est sa deuxième et seule autre carte, une carte à ne pas laisser échapper, au sens propre. La Croix-Rouge estime à 6 000 les Bengalis qui ont pu gagner le Bangla Desh par l'Afghanistan. Ajoutées au commerce lucratif que procure ce passage, les sympathies pour les Bengalis ne manquent pas dans la province du Nord-Ouest et au Baloutchistan. Malgré l'accord de mars 1972, la collaboration entre les autonomistes du NAP, autour de Walikhan, et les centralistes du PPP, autour d'Ali Bhutto, a échoué. En janvier 1973, le gouvernement envoie des troupes au Baloutchistan contre 20 000 rebelles soutenus par la radio irakienne.

Le 10 février 1972, un important lot d'armes de fabrication soviétique est saisi à l'ambassade d'Irak devant les journalistes convoqués : le scandale paraît trop solidement étayé. Toujours est-il que le président Bhutto met fin à l'expérience de coopération avec l'opposition dans les deux provinces. Les 15 et 17 février, il remplace les gouverneurs par des hommes acquis à sa politique et dissout les gouvernements. La crise prend un ton aigu en mars. Le 23, des militants du PPP tuent 12 participants à une réunion publique du NAP à Rawalpindi. Huit membres du PPP votent à la Chambre avec l'opposition. Nouveau rebondissement : A. Bhutto, le 12 avril, obtient de tous les partis le vote de la nouvelle Constitution.

Elle est fédérale et parlementaire. Taillée sur mesure pour A. Bhutto, elle donne quand même de larges pouvoirs aux provinces. Chacune élit une assemblée qui envoie des représentants au Sénat. Le Sénat et l'Assemblée nationale désignent le chef de l'État, dont les fonctions sont honorifiques. Le pouvoir exécutif appartient au Premier ministre, qui ne peut être démis, pendant quinze ans en principe, que par une majorité contraire des deux tiers et à condition qu'elle lui trouve un successeur. Les gouvernements provinciaux sont régis de la même façon. Les élections sénatoriales et présidentielles sont prévues en juillet et août 1973. L'état d'urgence doit être alors levé.

Non sans mal, le président pakistanais a donc réussi à préserver la cohésion du pays. Reste à obtenir la reconnaissance du Bangla Desh. Comme la presse qui n'écrit plus Bangla Desh avec des guillemets, A. Bhutto y a préparé l'opinion. Y sont hostiles : le Pendjab (60 % de la population et creuset de l'armée), les musulmans ultras, une fraction du PPP et les étudiants. En janvier 1973, à Karachi, A. Bhutto pose la question à l'endroit même où, un an auparavant, la foule manifestait son accord à la libération de Mujibur Rahman. La réponse cette fois est négative. Le président s'emporte, mais promet de ne pas aller contre la volonté du peuple.

Les autonomistes, la majorité du PPP sont en faveur de la reconnaissance, comme les hommes d'affaires. Elle permettrait d'apurer le contentieux financier entre les deux pays (les avoirs nationalisés du Pakistan au Bangla Desh sont estimés à 1 milliard de F) et de régler la dévolution des dettes contractées avant la séparation. Le Pakistan serait plus à l'aise pour demander à la Banque mondiale de lui accorder un nouveau moratoire en 1973-74.

Économie

La somme due aux pays occidentaux est lourde : 18 milliards de francs. Mais l'aide extérieure (le quart du budget) est indispensable, surtout pour les investissements industriels. Ils ont été importants, de la part des pouvoirs publics et des milieux d'affaires. Ces derniers ont été rassurés par la promesse qu'il n'y aurait pas d'autres nationalisations avant cinq ans.