Le haut commandement est accusé, dans la presse de l'opposition, de grave négligence, d'incapacité, voire de complicité avec Israël. Le Premier ministre Saeb Salam, un musulman sunnite, démissionne le lendemain du raid israélien. Selon sa version, il aurait exigé, mais en vain, la démission du commandant en chef des forces armées, le général Iskandar Ghanem. Le bruit court à Beyrouth que ce dernier bénéficie du soutien du président de la République Soliman Frangié.

Le 11 avril, tous les établissements scolaires, les universités se mettent en grève. Des manifestations spontanées, hostiles à l'État, éclatent dans diverses villes. Le lendemain, plus de 250 000 personnes suivent le cortège funèbre des trois dirigeants palestiniens assassinés. Les obsèques, auxquelles participent les représentants de toutes les communautés religieuses, de tous les partis, de la droite à l'extrême gauche, dégénèrent en manifestation hostile à l'armée et aux autorités libanaises.

Le président Frangié, après une semaine de sondages et de tractations, parvient à convaincre une personnalité sunnite – comme l'exige la Constitution – de former le nouveau gouvernement. Amin Hafez, qui présente son équipe ministérielle le 25 avril, bénéficie de la confiance des fedayin. Fils d'une personnalité religieuse de Tripoli, ayant accompli ses études supérieures au Caire, président de la Commission des affaires étrangères, il paraît bien placé pour calmer l'opinion nationaliste, tant dans son pays que dans le monde arabe.

Crise

Les combats de grande envergure qui éclatent le 2 mai entre l'armée libanaise et les Palestiniens rendent sa position intenable. Il offre sa démission le 8 mai et ne la reprend que le 19, après l'application effective du cessez-le-feu. La crise ministérielle n'est pas pour autant résorbée. Amin Hafez est la cible d'attaques provenant à la fois des partis chrétiens modérés et des formations sunnites, qui préféreraient, elles, la constitution d'un gouvernement d'union nationale.

Le problème de fond demeure entier. Les uns, comme Raymond Eddé, président (maronite) du Bloc national, insistent pour que soient abrogés les accords reconnaissant des prérogatives à la résistance palestinienne ; les autres, en particulier Rachid Karamé (sunnite) et Kamal Joumblat (druze), leader du front des partis progressistes, veulent que le Liban s'engage davantage aux côtés des pays arabes en conflit avec Israël.

Le gouvernement de Beyrouth est soumis aux pressions de divers États arabes, notamment la Libye, l'Algérie, l'Égypte, l'Irak et la Syrie, qui ont pris le parti des commandos de Yasser Arafat. Ces deux derniers pays, en particulier, mènent une violente campagne contre le régime de Soliman Frangié, accusé de complicité avec le sionisme et l'impérialisme.

Bagdad et Damas décrètent le boycott des produits libanais. La Syrie verrouille ses frontières et interdit son espace aérien aux vols libanais, interrompant ainsi les échanges entre les deux pays ainsi que le transit des produits destinés aux États du golfe Persique.

L'économie du Liban subit des torts sérieux. Les mesures prises par la Syrie et l'Irak, la paralysie du commerce, du tourisme, de l'industrie pendant les combats du début mai ont coûté au pays, jusqu'à fin mai, selon des estimations officieuses, plus de 250 millions de francs. La confiance dont bénéficiait la place financière de Beyrouth, qui gère une partie importante des fonds arabes, notamment d'origine pétrolière, est ébranlée. Les pertes en courtage, commissions, etc., s'élèveraient à plusieurs millions de dollars.

Le malaise social, qui se développait dans les mois qui ont précédé l'affrontement, s'aggrave. Le 11 novembre 1972, déjà, les forces de l'ordre avaient ouvert le feu sur des grévistes dans la banlieue de Beyrouth, tuant deux d'entre eux. Le 14, une grève générale, décrétée en guise de protestation par la Confédération générale du travail, a paralysé la capitale, Tripoli et Saïda.

Contestations

La veille, les instituteurs des écoles gouvernementales s'étaient mis en grève pour obtenir une hausse de leurs traitements et de meilleures conditions de travail. Le gouvernement ayant décidé de les congédier, les établissements d'enseignement se mettent en grève le 30 janvier. De violentes bagarres se déroulent pendant deux jours entre les étudiants et les forces de l'ordre, faisant une trentaine de blessés, dont six policiers. Des émeutes éclatent de nouveau les 5 et 6 avril. Les étudiants exigent la réforme de l'enseignement, une politique leur assurant des débouchés dans la vie active.