Lorsque, deux semaines après, Kissinger confirmera les révélations d'Hanoi sur l'imminence d'un cessez-le-feu au Viêt-nam, McGovern ne pourra faire moins que de se réjouir de la fin prochaine du conflit, « même si celle-ci doit me coûter l'élection présidentielle », dira-t-il. Son co-listier, Sargent Shriver, pris lui aussi de court par la tournure soudaine des événements, parlera pour sa part de « manœuvre électorale ». Quoi qu'il en soit, la confirmation publique d'un projet d'accord concret sur la paix ne pouvait que porter un coup sérieux à la campagne des démocrates.

Syndicats

D'autres raisons peuvent, à des titres divers, expliquer la lourde défaite de McGovern :
– le refus tout à fait inhabituel de la puissante centrale AFL-CIO (13,5 millions de membres) de soutenir le candidat démocrate ; l'appui apporté à Nixon par les Teamsters, syndicat des camionneurs (2 millions de membres), présidé par Frank Fitzsimmons, successeur de Jimmy Hoffa que le chef de l'exécutif avait fait libérer de prison en décembre 1971 ;
– le comportement de nombreux chefs de file du parti démocrate, tels l'ancien président Lyndon Johnson ou le maire de Chicago Richard Daley, qui, tout en faisant connaître leur adhésion de principe à la candidature de McGovern, se sont le plus souvent cantonnés dans une prudente réserve ;
– le désintérêt des jeunes qui, pour la première fois, pouvaient voter dès l'âge de dix-huit ans, mais dont la moitié s'abstiendront d'aller aux urnes.

À de multiples reprises, les démocrates ont tenté d'attirer l'attention des Américains sur les agissements de ce que McGovern appellera, le 2 octobre, « l'administration la plus moralement corrompue de l'histoire de ce pays » : scandale du Watergate ; affaire de l'International Telephone and Telegraph (ITT), compagnie poursuivie pour violation de la loi antitrust et qui aurait bénéficié d'un règlement favorable grâce à l'entremise du ministère de la Justice ; ventes de céréales à l'URSS, qui auraient profité à certains gros négociants au détriment de petits fermiers ; fonds recueillis par le Comité pour la réélection de Nixon juste avant l'entrée en vigueur de la loi limitant ces ressources ; etc.

Mais le grand public, informé il est vrai par des quotidiens pro-Nixon à raison de 12 contre un, ne s'enflammera à aucun moment et ne prêtera qu'une oreille distraite aux récriminations du candidat démocrate.

Ajoutons qu'à aucun moment McGovern ne parvint à trouver le contact avec Richard Nixon. Pendant toute la campagne, le président continua à se comporter en chef de l'exécutif et non pas en candidat du parti de l'Éléphant. Il refusa tout face à face, évita le moindre débat et réduisit le plus possible ses sorties électorales. Il avait, au cours des mois précédents, su affermir son image d'homme de la paix, capable de prendre des initiatives hardies ; visite historique en Chine (Journal de l'année 1971-1972), voyage en URSS, désaméricanisation du conflit indochinois. Il avait fait la preuve qu'il possédait l'étoffe d'un véritable homme d'État. Le jour du scrutin, les deux tiers des électeurs s'en souvinrent, mettant entre parenthèses les critiques qu'ils pouvaient formuler à son égard. Et leur désir de stabilité prévalut finalement sur toute autre considération.

Watergate

Pendant plusieurs mois l'opposition démocrate a essayé, mais en vain, d'intéresser les Américains à l'affaire du Watergate. Le scandale va prendre irrésistiblement, au cours du printemps, les dimensions d'une tragédie. Il va emplir les pages des journaux et les écrans de télévision et affaiblir sensiblement la position du président Nixon, rendant en particulier sa situation fort inconfortable vis-à-vis d'un Congrès très porté à la fronde.

Le 17 juin 1972, cinq individus, pour la plupart anciens agents du FBI ou de la CIA, avaient été arrêtés en flagrant délit d'effraction dans les locaux du Comité national démocrate, dans l'immeuble du Watergate, à Washington. Le 22, Nixon avait assuré que « la Maison-Blanche n'avait rien à voir en quoi que ce soit dans cet incident ».