Le pouvoir s'inquiète vraisemblablement davantage des profonds échos suscités par la contestation estudiantine dans d'autres catégories de la population. Les avocats, les magistrats, les ingénieurs, les écrivains, les journalistes notamment soutiennent le mouvement et formulent des revendications analogues. Le 15 décembre, le syndicat de la presse demande l'abolition de la censure et menace le gouvernement d'alerter l'opinion publique. Début février, une commission disciplinaire de l'Union socialiste arabe exclut des rangs du parti unique, coup sur coup, 64 puis 26 journalistes, publicistes et écrivains, parmi les plus notoires du pays. Le 6 mars, une cinquantaine d'entre eux sont mutés à des postes administratifs. Une semaine plus tard, 70 autres journalistes sont privés de leurs fonctions.

L'ordre ainsi rétabli, l'armée, les étudiants, les journalistes mis au pas, le président Sadate décide de concentrer davantage les pouvoirs entre ses mains. Il accepte la démission du ministère Sedki le 24 mars 1973 et assume lui-même la présidence du Conseil. Il s'attribue les fonctions de gouverneur militaire. Il remplace à la tête de l'Union socialiste arabe Sayed Mareï, qui s'était opposé à l'épuration des intellectuels, par un homme qui lui est entièrement dévoué, Hafez Ghanem. Il charge ses ministres de résoudre, en l'espace de deux mois, les problèmes les plus aigus : la crise du logement, la pénurie des produits de première nécessité, l'inflation des prix, les lenteurs de l'appareil bureaucratique.

La plupart des membres de la nouvelle équipe ministérielle sont des technocrates modérés qui, à deux exceptions près, ne passent pas pour avoir des sympathies pro-soviétiques.

Pourtant, le président Sadate paraît vouloir normaliser ses rapports avec l'URSS. Il ne réussit pas à conférer avec les dirigeants du Kremlin, comme il en avait exprimé le vœu, mais ces derniers lui font savoir qu'ils ne feront pas obstacle à une reprise des hostilités contre Israël si le gouvernement du Caire l'estimait possible. Pour la première fois depuis l'expulsion, en juillet, des militaires russes, le président Sadate s'entretient le 24 janvier avec l'ambassadeur de l'URSS. Une semaine plus tard, une mission militaire arrivée de Moscou est reçue par le chef de l'État. On apprend que les livraisons d'armement, notamment des Sam-6, ont repris.

Les dirigeants du Caire multiplient les menaces à l'égard des intérêts américains dans le monde arabe, tout en proclamant que l'heure de « la confrontation totale » avec Israël approche.

Union des républiques arabes

L'Union des républiques arabes, proclamée le 17 avril 1971 (Journal de l'année 1971-72), n'a pas encore pris une forme concrète en juin 1973.

Les organes fédéraux prévus par les accords – le Conseil ministériel, le Parlement, la Cour constitutionnelle – n'ont virtuellement pas fonctionné. Le front unique des partis, le commandement militaire commun n'ont pas été établis. La fusion des agences de presse, la fondation d'une radio, d'un quotidien et d'une revue, destinés à devenir des organes de la Fédération, n'ont pas été réalisés. Aucune coordination économique, financière, diplomatique n'a pu être entreprise, malgré les décisions prises à cet égard.

Les divergences entre les trois partenaires (Syrie, Libye et Égypte) sont importantes, parfois même fondamentales, et suscitent de vives tensions. L'absence de solidarité effective exaspère la Syrie, qui subit les raids dévastateurs d'Israël. Le 18 septembre 1972, la Fédération adresse ce qui paraît être un sérieux avertissement à l'État juif. Toute attaque contre l'un des trois pays membres, proclame-t-elle, sera considérée comme étant dirigée également contre les deux autres et provoquerait la riposte qu'elle mérite.

Cependant, l'aviation du général Dayan poursuit ses raids contre la Syrie, sans susciter la moindre réaction de la part de ses deux alliés.

Excédés, les responsables syriens menacent vers la mi-janvier 1973 de se retirer de la Fédération.

Dans diverses déclarations, en avril et en mai, le président Kadhafi précise sa position. Il se dissocie de ses deux partenaires en affirmant que leurs objectifs de guerre n'étaient pas les siens, que si Damas et Le Caire ne songeaient qu'à récupérer les territoires conquis par Israël en 1967, il était décidé pour sa part à libérer toute la Palestine après avoir détruit l'entité sioniste.