Les finances égyptiennes traversent, malgré tout, une phase difficile. L'endettement de l'État, évalué le 24 avril par la commission des Affaires économiques à l'Assemblée du peuple, s'élève à un milliard de livres égyptiennes, soit environ le tiers du revenu national. Le gouvernement élabore un « budget de guerre » dans lequel il est prévu le gel des salaires, de sombres coupes dans les dépenses de l'Administration et dans les investissements productifs, l'interruption de la réalisation de grands projets de développement. Le déficit de la balance commerciale est en hausse en raison, d'une part, de la baisse de la production et, d'autre part, de l'importation de produits alimentaires, en particulier le blé, dont les récoltes ne suffisent pas à satisfaire les besoins. Le rationnement est instauré pour divers articles de première nécessité, l'huile notamment.

La hausse générale des prix contribue à accroître le mécontentement de la population ; elle se rend compte que les crédits militaires sont en hausse, que les membres des forces armées bénéficient de traitements élevés et de privilèges jugés exorbitants, que la nouvelle classe, née sous le régime nassérien, s'enrichit abusivement, souvent grâce à des opérations spéculatives favorisées par l'État. La corruption s'étend et prend des proportions inquiétantes au sein d'une bureaucratie dont le fonctionnement ne cesse de se dégrader.

Opposition

Le président Sadate, qui doit affronter une opposition grandissante, est amené à se départir de la ligne de conduite relativement libérale qu'il s'était fixée et, avant tout, à raffermir son contrôle sur l'armée, principal pilier de son régime.

Le chef de l'État limoge, le 26 octobre, le ministre de la Guerre, le général Sadek – suspect d'ambitions politiques – et le place en résidence surveillée. Cent autres officiers supérieurs, dont une dizaine de généraux, sont mis à la retraite. Le 11 novembre, une quarantaine d'officiers – une centaine selon d'autres sources – accusés d'avoir fomenté un complot, sont arrêtés. Ils auraient projeté de forcer le chef de l'État à choisir entre la reprise des hostilités contre Israël et la démission.

Les tensions qui se développaient depuis quelques mois entre musulmans et coptes atteignent un degré alarmant. Des bagarres entre membres des deux communautés tournent à l'émeute à Alexandrie, à Damanhour, au Caire.

Début décembre, l'agitation estudiantine – qui avait pris la forme au début de l'année de grèves, de manifestations et d'émeutes – fait sa réapparition dans les principales universités. Les premiers affrontements mettent aux prises étudiants de tendances opposées ; les plus combatifs sont des éléments de droite, des musulmans intégristes, que l'on dit appartenir à une organisation manipulée par les services secrets égyptiens. Le 28 décembre, une centaine d'étudiants, d'avocats, de journalistes de gauche sont arrêtés. Ils sont accusés d'atteinte à la sûreté intérieure de l'État, aux termes d'une loi votée le 15 août sur la « protection de l'unité nationale ».

Le surlendemain, les étudiants occupent les universités et exigent la libération de leurs camarades. Pendant cinq jours, des manifestations dégénèrent en batailles rangées avec les forces de l'ordre ; des dizaines de blessés tombent dans les deux camps. Le 3 janvier, le gouvernement décrète la fermeture de toutes les universités.

Revendications

Le 31 janvier, le président Sadate prononce un violent discours dans lequel il dénonce à la fois la « droite réactionnaire » et la « gauche aventuriste », accusant les deux factions d'avoir suscité les troubles estudiantins afin de renverser le régime. Cependant, une semaine après la réouverture des universités, le 2 février, l'agitation reprend.

La fermeté, voire la brutalité, des autorités ne s'expliquent pas par la nature des revendications estudiantines. Celles-ci, bien plus modestes que celles qui étaient présentées en janvier 1972 (V. Journal de l'année 1971-72), ne remettent pas en cause l'existence du régime ni son droit de décision dans la conduite du conflit avec Israël. Elles ont trait essentiellement à la liberté d'expression dans les universités, au dialogue indispensable entre le pouvoir et la jeunesse, et à l'exercice des droits démocratiques. C'est dans un tel contexte, estiment les étudiants, que l'on pourrait déterminer les moyens politiques, économiques et sociaux propres à favoriser la « liquidation des séquelles de l'agression israélienne de 1967 ».