Conflits

Viêt-nam : une paix difficile

Les six mois et vingt-sept jours qui précèdent la signature du cessez-le-feu compteront sans doute parmi les plus sanglants de la guerre du Viêt-nam. Jusqu'au dernier moment, jusqu'à la fin officielle des combats, les interminables négociations entre Américains et Nord-Vietnamiens se déroulent dans le fracas des armes et l'explosion des bombes.

Offensive

Au début de juillet 1972, l'offensive lancée par le général Giap au Sud Viêt-nam et la réplique américaine (raids sur le Nord et blocus des ports) dominent la situation militaire. Les forces de Saigon arrivent, grâce à l'aviation américaine, à enrayer l'avance des Nord-Vietnamiens et des maquisards du Front ; ils ne sont pas victorieux pour autant. Pendant quatre mois les combats font rage dans les provinces septentrionales du Sud Viêt-nam et notamment autour de Quang Tri. La ville, d'abord occupée par les Nord-Vietnamiens, est reprise par les parachutistes sud-vietnamiens, mais ceux-ci, encerclés, ne parviennent pas à en conserver le contrôle.

Parallèlement, le Front multiplie les harcèlements dans l'ensemble du pays, et Saigon est elle-même l'objet de plusieurs attaques. La stratégie des maquisards et de leurs alliés est manifestement de démontrer leur puissance (là où ils sont en majorité) et leur présence (là où ils sont en minorité) face à une armée dont le potentiel s'accroît chaque jour.

Digues

Au cours de cette période, les Américains effectuent de formidables livraisons d'armes à Saigon (avions, hélicoptères, tanks, munitions) en prévision sans doute d'un futur accord, mais aussi pour faire face à l'offensive adverse. L'appui aérien américain aux troupes de Saigon atteint alors une ampleur sans précédent. Au Nord Viêt-nam, les raids s'intensifient (ils atteindront, le 16 août, le nombre de 400). Les objectifs militaires ne sont plus les seuls visés.

Les bombardiers s'attaquent, au moment de la saison des pluies, aux digues du fleuve Rouge, endommageant gravement le complexe réseau qui protège le delta de l'inondation. Le 10 octobre, la mission française à Hanoi est touchée et son chef, Pierre Susini, grièvement blessé, meurt quelques jours plus tard. En fait, au moment où les négociations paraissent s'engager dans leur phase finale, les Américains exercent sur les Nord-Vietnamiens le maximum de pressions.

Tandis qu'au Viêt-nam du Sud la guerre fait rage, les consultations interrompue ont repris ; la conférence de Paris tient, le 13 juillet, sa 150e séance depuis 1968 ; des négociations plus importantes, parce que plus discrètes, se déroulent en même temps dans une ville de la banlieue parisienne entre Kissinger et Le Duc Tho. La véritable négociation passe par eux, la conférence de Paris étant à la fois, selon les moments, le masque ou le haut-parleur des positions exprimées par les différentes parties.

Les deux hommes se voient deux fois en août, deux fois en septembre et quatre fois en octobre. Et bientôt il ne s'agit plus de simples entretiens mais de véritables séances de travail étalées sur plusieurs jours. Début octobre, il apparaît que l'infatigable éminence grise du président (qui a encore eu le temps de se rendre par deux fois à Saigon pour discuter avec le général Thieu) veut obtenir un accord avant les élections présidentielles américaines de novembre.

Pour la première fois depuis longtemps, un certain nombre de signes laissent penser que la fin de la guerre est proche, et pourtant tout échoue.

Concessions

Le 8 octobre 1972, Le Duc Tho avance, au cours d'un entretien avec H. Kissinger, un projet d'accord définitif et global qualifié par les Américains d'extrêmement important et fondamental. Le 17 octobre, une entente est presque réalisée, et, le 22, le président Nixon, dans un télégramme au Premier ministre nord-vietnamien Pham Van Dong, donne son feu vert pour que le document soit paraphé le 24 et signé le 31 du même mois.

Finalement ce calendrier ne se réalise pas. Le 26 octobre, le gouvernement de Hanoi rend public le contenu de l'accord Kissinger-Le Duc Tho et accuse les Américains de tergiverser et de retarder inutilement la fin des hostilités. L'accord prévoit, outre le cessez-le-feu, le retrait dans les deux mois des troupes américaines, la préparation d'élections générales par un Conseil national de la réconciliation et la convocation d'une conférence internationale.