Un mois plus tôt, Michel Debatisse, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, s'en prenait déjà à la politique française de l'élevage. « C'est un leurre » affirmait-il alors, puisque les crédits affectés à l'élevage vont décroissant depuis trois ans : 258 millions de francs en 1970, 200 en 1971, 189 en 1972.

Ces préoccupations rejoignaient le problème des bouchers et celui des consommateurs.

Paradoxe

Cette situation provient des particularités du marché de la viande bovine. La production française augmente sensiblement : + 2,1 % de bœuf produit en 1971 par rapport à 1969. En 1971, la production de viande bovine a atteint 1 300 000 t, la consommation 1 139 000 t. Les prévisions 1972 sont également optimistes : respectivement 1 280 500 t et 1 110 000 t. Théoriquement, la production est capable de couvrir la demande de la consommation. Pratiquement, cela est différent. La France est obligée d'exporter les quartiers avant que les Français boudent au profit des morceaux nobles. 150 000 t sont ainsi, bon an mal an, exportées. De plus les éleveurs français ne dédaignent pas les prix offerts par les Italiens pour la viande de veau et c'est 300 000 à 350 000 veaux français qui prennent chaque année cette direction. Les maladies animales exercent, elles aussi, une ponction encore plus sensible sur le cheptel français. Il faut donc importer. Et ces importations deviennent d'autant plus nécessaires que survient chaque année au printemps la période dite de soudure ; à la sortie de l'hiver, les animaux adultes et les veaux de l'année doivent être mis au vert douze à quinze semaines avant d'être vendus.

Augmentations et taxations

La pénurie mondiale, en 1972, vient aggraver encore ce déficit conjoncturel français. Dans les boucheries, dès avril 1972, la viande bovine réagit à cette situation et augmente. À tel point que le ministre de l'Économie et des Finances prend deux décisions : d'une part il taxe de 50 % les viandes bovines vendues dans la boucherie parisienne (celle-ci étant la plus réceptive aux variations du marché), d'autre part il obtient des instances communautaires de Bruxelles la suspension, à titre temporaire, des taxes sur les viandes importées des pays tiers.

Ces deux mesures se révèlent très impopulaires, tant auprès des éleveurs français que des 4 000 ou 5 000 bouchers de la région parisienne. Pour les premiers, ces importations arrivent trop tard pour pallier le manque de viande ; elles contribueront tout au plus à casser les cours fin juin-début juillet lorsqu'ils reprendront leurs livraisons. Les seconds, qui se voient proposer un accord conventionnel, assorti, en cas de refus, de contrôles répétés des inspecteurs du Service des prix, protestent et organisent à la Mutualité une assemblée qui se veut mobilisatrice. « Nous sommes coincés entre des prix de gros qui augmentent et des prix de détail taxés autoritairement », déclarent-ils alors.

Bien entendu, le consommateur, qui n'a pas voix au chapitre, continue d'enregistrer la valse des étiquettes. Début juillet 1972, la situation se détend aussi subitement qu'elle s'était aggravée. La Communauté restaure la protection du marché européen en rétablissant des droits de douane.

Les Britanniques arrivent

On n'a pas connu, cette année, d'opérations aussi spectaculaires que celles des années précédentes, en dépit des accords de rapprochement, de prises de participation et des fusions qui ont été enregistrés (97 pour l'année 1971 contre 128 en 1970). Une exception toutefois pour les chocolateries Cémoi. Pupier, sur le point d'être reconnu comme concordataire, s'est vu préférer le groupe américain Di Giorgio, après une procédure longue et passionnée.

L'industrie laitière arrive toujours en tête des Industries agricoles et alimentaires pour plus du quart du nombre des accords recensés. Viennent ensuite les conserves, plats cuisinés et surgelés, avec le rôle actif du groupe Rothschild.

Dans les spiritueux, le rapprochement Pernod-Ricard met fin à la longue et coûteuse concurrence que se livraient les deux grands des apéritifs anisés et débouche sur un ensemble de taille internationale. La brasserie se réorganise plus qu'elle ne se restructure. Son leader, le groupe BSN-Européenne de brasserie Kronenbourg, laisse le no 2, l'Union de brasseries, prendre le contrôle des Brasseries Bouchart et de Maubeuge.