Faits divers

Les scandales immobiliers : trois affaires retentissantes

Le public apprend, en juillet 1971, à la suite d'une enquête lancée par le procureur de la République, que certaines sociétés, comme le Patrimoine foncier et la Garantie foncière, qui collectent l'épargne privée en vue de placements immobiliers, cachent des activités commerciales plus ou moins légales, sources de profits injustifiés.

Rapidement, les dirigeants sont inculpés. L'aspect politique de ces affaires passionne l'opinion plus encore que le débat d'ordre financier.

De quoi sont nés les scandales ? Dès janvier 1970, le ministre des Finances écrit au garde des Sceaux pour attirer son attention sur deux sociétés civiles de placement : le Patrimoine foncier et la Garantie foncière, qui promettaient de servir à leurs associés un dividende de 10,25 %. Premier point litigieux : il est impossible de promettre à des associés, détenteurs d'actions, un profit fixe, ce qui reviendrait à assimiler les associés à des obligataires. De plus, le taux de rendement promis est beaucoup trop élevé et, tôt ou tard, les sociétés ne pourront tenir leurs engagements. Second point : pour surévaluer les actifs, les sociétés immobilières incriminées truquent quelque peu le prix de leurs immobilisations par le truchement de sociétés écrans ; ces dernières achètent les immeubles et les revendent aux sociétés civiles à un prix supérieur qui, cette fois, est payé avec les fonds collectés auprès du public.

Société civile de placement immobilier

Selon la loi, une société civile est « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans le but de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Pour bénéficier de l'exonération fiscale, ces sociétés ne doivent pas en principe faire d'opérations commerciales. Toutefois, la loi n'étant pas très explicite, les promoteurs de certaines sociétés commerciales ont imaginé d'utiliser la formule pour l'achat d'immeubles anciens qu'ils louent comme locaux commerciaux. Ainsi, un certain nombre d'associés souscrivent des parts (1 000 francs au minimum) et les capitaux réunis servent à l'acquisition de biens immobiliers. Les profits, au lieu d'être soumis à l'impôt sur les bénéfices sociaux, sont distribués aux associés. Cette forme d'investissement comporte un inconvénient majeur : tous les associés sont collectivement responsables des dettes éventuelles de la société. Cette responsabilité exorbitante a été atténuée par la loi de décembre 1970, qui prévoit que la « responsabilité des associés ne peut être mise en cause que si la société civile a été préalablement et vraiment poursuivie [...] la responsabilité de chaque associé à l'égard des tiers est engagée en fonction de sa part dans le capital ». Enfin, la Cour des comptes n'exerçant pas sur ces sociétés un contrôle aussi rigoureux que sur les sociétés anonymes, elles sont dotées d'un conseil de surveillance et la Commission des opérations de Bourse (la COB) se charge d'éplucher les comptes des sociétés civiles (en vertu de la loi de janvier 1970).

La garantie foncière

Fondée en 1967, cette société regroupe, en 1971, 13 000 souscripteurs et représente un capital de 205 millions de francs. Elle est gérée par une société annexe, la Cofragim.

En janvier 1971, une information judiciaire est ouverte contre la société pour « publicité mensongère et abus de biens sociaux » et, le 1er juillet, le président-directeur général de la Garantie foncière, Robert Frenkel, est condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende. Le tribunal condamne également sa femme, Nicole Frenkel, directrice de la Cofragim, à dix mois de prison avec sursis et 50 000 francs d'amende. Tous deux sont accusés d'avoir perçu des commissions abusives, prélevées sur les immeubles qu'ils gèrent pour le compte des associés.

Puis, le 8 juillet, Robert Frenkel et sa femme sont interpellés à leur domicile et inculpés d'abus de biens sociaux, d'escroquerie, d'infraction à la législation des sociétés et d'abus de confiance. Le même jour, Robert Frenkel est incarcéré à Fresnes et son épouse à la Petite-Roquette. D'autres personnes liées à la Garantie foncière sont poursuivies, et l'affaire prend un tour politique avec l'inculpation d'André Rives de Lavaysse, dit Rives-Henrys, président-directeur général de la Cofragim, pour les mêmes motifs que les époux Frenkel. Mais André Rives-Henrys, député UDR du XIXe arrondissement de Paris, est laissé en liberté provisoire ; on lui reproche aussi d'avoir utilisé son titre à des fins publicitaires. D'autres personnes sont également inculpées et laissées en liberté, notamment Bernard Haguenauer, Jean-Claude et Alfred Frenkel (membres du conseil de surveillance) pour complicité d'escroquerie, ainsi que Lagrave, commissaire aux comptes de la Cofragim, pour abus de biens sociaux.