Consommation

Savoir choisir, une nouvelle préoccupation des Français

Le consommateur français est-il enfin devenu cet interlocuteur responsable, ni roi ni sujet, capable d'exercer un pouvoir qu'il détient grâce à son carnet de chèques ou à son portefeuille, et qu'il peut manifester en achetant — ou en n'achetant pas — les biens et services qui lui sont nécessaires ?

Soumis, par le canal de la publicité, à l'influence des industriels et des commerçants soucieux avant tout, en bonne logique, d'assurer non seulement la santé de leurs entreprises mais de confortables marges de profits, les consommateurs n'ont été jusqu'à présent que rarement capables d'obtenir la satisfaction de revendications pourtant légitimes.

Il faut dire que la prise de conscience par les consommateurs de l'importance, pour leur santé, de la qualité des produits qui leur sont offerts sur le marché et, pour la survie de l'espèce humaine, des dangers de la pollution industrielle est relativement récente. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'exemple est venu d'outre-Atlantique et le vieux continent connaît, avec quelques années de retard, les mêmes évolutions. Il faut ajouter à cela que, par nature, les citoyens des pays latins sont moins enclins que ceux des pays anglo-saxons à s'enrôler, en versant une cotisation, dans des organisations de défense quelles qu'elles soient, même si leur intérêt est en jeu.

Jusqu'aux années 70, les organisations de consommateurs en France n'intéressaient guère, par leur action, que les militants chevronnés déjà convaincus de l'urgence de telles actions. En raison de leur pauvreté, les revues de ces organisations, souvent mal présentées et mal faites, ne prêchaient que des convertis et leurs tirages restaient confidentiels.

Essais comparatifs de produits alimentaires ou d'appareils électroménagers, conseils aux ménagères pour les aider à choisir les produits, à repousser les offres de démarcheurs peu scrupuleux, analyses de projets de loi en préparation, aucun de ces résultats n'obtenait une audience suffisante, en partie à cause de la presse, trop souvent muselée par la puissance des annonceurs et de leurs contrats de publicité, mais aussi en raison de l'indifférence du public.

Les choses ont peu à peu changé, comme le prouvent les quelques faits suivants :
– Créé à la fin de 1967 par les pouvoirs publics et bénéficiant de subventions, l'Institut national de la consommation a été conçu comme un outil mis au service des organisations de consommateurs. Il édite depuis novembre 1970 un magazine destiné au grand public, dont le tirage atteint aujourd'hui 80 000 exemplaires ;
– La revue Que choisir ?, éditée par l'Union fédérale de la consommation, a résolu le problème de son manque de moyens financiers en s'associent avec une revue belge dont elle publie les essais comparatifs ; elle annonce maintenant 70 000 adhérents-lecteurs ;
– Le Laboratoire coopératif d'analyses et de recherches, dont le bulletin s'adresse aux cadres de l'enseignement et de la consommation, voit lui aussi son audience augmenter ; les instituteurs qui font appel à lui pour la formation des jeunes enfants aux problèmes de consommation sont de plus en plus nombreux et les résultats de ses travaux, qu'il s'agisse des résidus de pesticides dans les produits alimentaires, de l'étiquetage des huiles (qui sait faire la différence entre une huile pure, une huile supérieure et une huile de table ?) ou du danger que présente l'utilisation de certaines vaisselles décorées (le plomb utilisé dans les peintures et vernis risque de se dissoudre dans les liquides acides, vinaigrettes ou jus de fruits), sont largement commentés.

La législation destinée à protéger les consommateurs, elle aussi, s'améliore de jour en jour, bien que les progrès enregistrés soient fort lents au gré des défenseurs des consommateurs. Il faut bien constater que, depuis longtemps habitués à se constituer en groupes de pression lorsque des intérêts privés mais communs font taire leur hostilité de concurrents, industriels, commerçants et publicitaires cherchent trop souvent à ralentir l'adoption de textes qui les gênent.