Ces quelques décisions prises dans le domaine des transports ont eu un certain retentissement dans le grand public ; d'autres ont fait vibrer des cercles plus restreints de professionnels, tel l'accord, enfin intervenu, entre les Européens pour autoriser l'essieu à 11 tonnes pour 1980 (moins que ce que souhaitaient les Français, plus que ce que voulaient les autres) dans les transports routiers... Mais les événements les plus significatifs de la période 1971-72 ont été généralement plus discrets.

Renversement de position

Ainsi, il faut s'attarder sur les statistiques pour s'apercevoir d'une première historique : en France, depuis 1971, le principal mode de transport pour les marchandises n'est plus la voie ferrée, mais la route, avec 70,5 milliards de tonnes-kilomètres transportées, contre 66,3 milliards pour le rail.

Ce renversement de position ne constitue d'ailleurs pas une surprise (Journal de l'année 1970-71) ; c'est le fruit d'une longue évolution que la France enregistre avec du retard sur les autres pays développés. Désormais, la part croissante des marchandises non pondéreuses dans les échanges et la souplesse d'utilisation supérieure du transport routier, à un moment où la machine économique devient plus complexe, va confirmer sa suprématie, chez nous comme ailleurs. La multiplication des autoroutes promise par J. Chaban-Delmas n'est donc pas un simple cadeau aux automobilistes affamés de longs kilométrages.

Le déclassement de la SNCF a toutefois pris une ampleur imprévisible, puisqu'il s'accompagne d'une baisse du trafic marchandises, en valeur absolue, de 4 %. La conjoncture accentuant l'effet de l'évolution structurelle, le tonnage de charbon transporté par voie ferrée a baissé de 23 % en 1971, celui des matériaux de construction de 10 %, et les grèves de juin 1972 ont encore aggravé cette perte de substance.

L'année 1971 aura d'ailleurs été médiocre pour les transports, plus au niveau international qu'au niveau national (ainsi a-t-on pu constater un tassement du trafic passagers d'Air France, alors qu'Air Inter gagnait encore 200 000 passagers pour atteindre le chiffre de 3 millions). Les incertitudes monétaires et leurs répercussions sur les échanges en sont, bien sûr, responsables, et elles ont frappé de plein fouet le transport qui assure les deux tiers du commerce mondial (et 60 % du commerce extérieur de la France, ce que l'on oublie parfois) : l'armement maritime.

Les échanges maritimes

En 1971, le taux de croissance des échanges maritimes internationaux est tombé de moitié (4,5 % contre 9 % l'année précédente). Cela n'aurait rien de tragique si l'on n'avait enregistré une inquiétante dégradation des taux de fret (jusqu'à 70 %), en même temps qu'une forte hausse des dépenses d'exploitation, à tous les postes, des salaires au carburant en passant par la réparation.

Le problème de la pollution fait souvent du navire un bouc émissaire, et le coût des installations techniques souhaitables sur un pétrolier transportant 200 000 tonnes de brut augmente son prix de 7 à 8 %, de 25 % quand c'est un navire en service.

Restructuration

Enfin, des grèves de dockers au cours du premier semestre 1971, des grèves du personnel navigant de mai à novembre n'ont pas amélioré la situation. Or, les armateurs français se trouvent engagés dans un important effort de relance de leur profession : le tonnage de leur flotte s'est accru de 18 % en 1971, et, avec 7 millions de tonnes de jauge brute au 1er janvier 1972, occupe le 10e rang mondial (mais elle avait le 3e en 1950). Ils s'interrogent donc sur le maintien de leur capacité de financement, alors que leur endettement se monte à 2,7 milliards de francs.

Toutes ces contraintes commerciales ou financières ont en tout cas poussé les compagnies de navigation à poursuivre le réaménagement de leurs structures. Mettant en œuvre les accords passés l'année précédente, les Chargeurs réunis et le groupe Delmas-Vieljeux ont fusionné leurs lignes africaines. La restructuration du groupe Worms a abouti à la création d'une société holding, la compagnie navale Worms, qui contrôle la Société française des transports maritimes, dont dépendent des filiales spécialisées (pétrole, vrac, marchandises diverses).