Elles retiennent aussi l'attention des milieux parlementaires et du gouvernement. Mgr Elchinger, évêque concordataire de Strasbourg, ayant traité, dans un sermon prononcé à l'occasion du 14 Juillet, des rapports de l'Église et de l'État, le président Pompidou lui adresse une lettre le 20 juillet : « Dans un pays de vieille tradition chrétienne et libérale comme le nôtre, écrit-il, il ne doit y avoir entre ces deux institutions [l'Église et l'État] que respect mutuel et considération réciproque. » La plupart des observateurs traduisent que le président de la République appelle l'Église à un plus grand respect de l'État. Il ne fait pas mystère, d'ailleurs, des inquiétudes que lui crée ce que la presse appelle le virage à gauche de l'Église.

Les interventions du président G. Pompidou, pourtant, et ses contacts directs avec plusieurs évêques — notamment un déjeuner à l'Élysée, très remarqué, de Mgr François Marty, archevêque de Paris — ne paraissent pas devoir faire dévier l'Église de sa nouvelle ligne. On le voit bien lorsque, les 2 et 3 mars, le Premier ministre effectue une visite dans le nord du pays. Mgr Huyghe, évêque d'Arras, publie alors, avec des prêtres, un communiqué dans lequel il se déclare solidaire des syndicalistes qui luttent pour la défense de l'emploi. Les réactions diverses suscitées par ce communiqué l'amènent à écrire un autre texte où il s'explique : « Ai-je fait de la politique ? Oui, j'ai fait un geste social et, je le crois, évangélique, et les circonstances ont donné à ce geste une portée politique. »

Quelques semaines plus tard, le 9 avril, les dirigeants de l'Action catholique des milieux indépendants (mouvement qui regroupe des laïcs des milieux bourgeois et des classes moyennes) signent et publient, avec Mgr J. M. Maury, archevêque de Reims, une déclaration qui invite les classes dirigeantes à un examen de conscience : « La société que nous avions créée, écrivent-ils, a surtout privilégié l'expression des volontés de puissance grandes ou petites. » Puis c'est, à l'occasion du 1er Mai, les évêques de la Commission du monde ouvrier qui font part des résultats de réflexions menées en commun avec des militants chrétiens engagés dans l'option socialiste. Ils notent que cette option se traduit, pour certains, par l'entrée au parti communiste, mais ne condamnent pas ce choix pour autant.

Bref, un ensemble de faits, de communiqués et de déclarations marquent que l'axe des préoccupations s'est déplacé : là où l'on discutait surtout, naguère, des structures de l'Église, on s'interroge sur l'action politique et parfois même on descend dans l'arène.

Plus de 110 000 religieuses

Une enquête sociologique sur les religieuses, publiée en août 1971, fait apparaître que 112 200 Françaises sont religieuses ou novices (près de 10 000 d'entre elles vivent à l'étranger). Elles sont implantées dans 11 400 maisons, dont 370 monastères qui réunissent 10 500 contemplatives. Quant aux actives, 23 % d'entre elles sont employées dans des établissements d'enseignement, 10 % dans les établissements hospitaliers, 13 % dans des services sociaux divers, etc. Cette enquête fait ressortir une très sensible diminution des effectifs : 16 000 religieuses de moins en vingt-cinq ans.

Le mariage de l'abbé Barreau

L'abbé Jean-Claude Barreau, 39 ans, responsable du catéchuménat pour le diocèse de Paris, annonce au début de septembre 1971 sa décision de se marier. Cette annonce aura un retentissement considérable en raison des fonctions occupées par l'abbé Barreau et de la notoriété qu'il avait acquise comme auteur de livres à succès, notamment la Foi d'un païen dans lequel il racontait sa conversion. Au début d'octobre, le mariage de l'abbé Barreau est célébré discrètement dans une petite mairie de l'Île-de-France. On apprend, en novembre, que le Vatican a refusé la réduction à l'état laïc qu'il avait sollicitée. Ainsi se trouve relancé dans le public le débat sur le célibat obligatoire des prêtres.

Espagne

Deux graves incidents publics montrent l'ampleur du double conflit qui oppose désormais la majorité de l'Église espagnole au régime franquiste, et cette majorité à la minorité traditionaliste.