La Conférence de Genève et la Conférence internationale d'Aix-en-Provence (septembre 1971), consacrées aux réacteurs rapides, ont fait ressortir la convergence des solutions technologiques adoptées dans les divers pays. Fin 1971, l'EDF française, la RWE allemande et l'ENEL italienne (les trois plus grands producteurs d'électricité de l'Europe occidentale) ont signé un accord de principe pour la construction conjointe de deux prototypes européens de 1 000 MWé. La construction du premier, en France, doit s'ouvrir dès 1974, environ un an après la montée en puissance du prototype Phénix.

Mais l'événement le plus important sans doute est la percée des réacteurs à gaz à haute température, sur lesquels on commençait à s'interroger.

Les réacteurs à gaz à haute température sont des descendants lointains des filières gaz-graphite anglo-françaises ; ils sont modérés au graphite, et refroidis par un gaz, l'hélium, qui permet des températures de fonctionnement plus élevées (700 à 800 °C, contre 350 à 450 °C) ; leur combustible est de l'uranium enrichi, mélangé le plus souvent avec du thorium, sous forme d'oxyde en fines particules, enrobées de graphite et de carbure de silice pour retenir les produits de fusion ; ces particules enrobées sont dispersées dans des matrices de graphite en forme de boulets ou d'éléments prismatiques.

La Gulf américaine, promoteur de la formule, a reçu, à la fin de 1971, deux commandes pour quatre réacteurs (de 900 à 1 100 MWé), cela bien que le prototype de 330 MWé en construction à Fort Saint-Vrain, dans le Colorado, ne soit pas encore en fonctionnement. C'est un pari sur l'avenir, justifié par l'ampleur et la qualité des développements technologiques consacrés à cette filière, tant aux États-Unis qu'en Europe ; celle-ci, qui était en tête de ces recherches il y a quelques années, n'a pas su en tirer profit, en grande partie à cause de ses dissensions internes.

En cas de succès, les réacteurs à gaz à haute température, meilleurs utilisateurs des combustibles uranium et thorium et conduisant à une pollution thermique moindre, seraient des concurrents sérieux pour les réacteurs à eau légère et pourraient retarder sensiblement l'avènement des surgénérateurs.

Tokamak ou Stellarator

Les recherches pour la maîtrise de l'énergie de fusion des noyaux légers (celle de la bombe thermonucléaire) progressent peu à peu. Il est encore impossible de prévoir à quelle date une première machine à énergie de fusion atteindra l'objectif visé : une réaction auto-entretenue produisant plus d'énergie qu'elle n'en consomme.

Lors de la quatrième conférence internationale sur les applications pacifiques de l'énergie atomique (Genève, septembre 1971), le docteur Seaborg, qui présidait, a affirmé que la prévision formulée en 1955 par le physicien Homi Bhabha (première réalisation pour 1975) ne serait manquée que de quelques années : d'après les experts, le but pourrait être en vue pour 1980. On redevient, en effet, plus optimiste quant à la possibilité de confiner au moyen d'un champ magnétique le plasma à haute température qui constitue le cœur même d'un réacteur à fusion.

Ce sont toujours les machines du type Tokamak qui offrent actuellement les meilleurs espoirs ; une telle machine doit d'ailleurs démarrer en France courant 1972, à Fontenay-aux-Roses (Journal de l'année 1970-71). La machine T-3 soviétique a réalisé des températures d'ions de 4 à 5 millions de degrés (contre 50 millions exigés pour un réacteur à fusion), des temps de confinement de 2/100 de seconde (contre 1/2) et des densités de particules ionisées de 5.1013 (contre 5.1014). Mais les espoirs restent fermes également pour les machines américaines du type Stellarator.

Il est possible que les recherches sur la fusion thermonucléaire se trouvent accélérées dans un proche avenir, à cause de la contestation croissante de l'énergie nucléaire de fission.

Problèmes autour de l'uranium enrichi

L'accélération des programmes mondiaux d'équipement électronucléaire a confirmé les menaces de pénurie d'uranium enrichi à partir de 1980. On sait qu'après l'abandon par la France de la filière à uranium naturel, toutes les centrales prévues consommeront un combustible enrichi en taux d'uranium fissile (isotope 235) ou en plutonium. La grande question qui se pose est de savoir où, et selon quelle formule, sera construite la prochaine usine d'enrichissement de l'uranium, ainsi que les suivantes, à raison d'une usine de 5 à 8 millions d'UTS (unités de travail de séparation) tous les dix-huit ou vingt-quatre mois.