Cela explique sans doute que, pour obtenir la libération de Gérard Nicoud et une réforme de l'assurance vieillesse, on ait assisté à des grèves de la faim sur la voie publique et à des occupations de caisses de retraite (10 janvier 1971) qui requièrent la participation d'un moins grand nombre de militants. Au demeurant, la grève de la faim, qui suppose de payer de sa personne, est une méthode toute nouvelle pour les commerçants et artisans.

Les grandes surfaces, pendant ce temps, ont un peu marqué le pas : on compte, à la fin de 1971, 144 hypermarchés (plus de 2 500 m2 de surface de vente en libre service, avec des parkings importants), mais il ne s'en est ouvert que 31 au cours de l'année, contre 42 en 1970 et 44 en 1969. Ce relatif ralentissement a plusieurs causes : l'action des commissions départementales d'urbanisme commercial, certes, mais aussi une plus grande prudence des groupes commerciaux devant la concurrence acharnée que se font les grandes surfaces dans certaines villes.

Expansion et « franchising »

On assiste d'ailleurs, dans ce secteur en développement, à une formule d'expansion bien connue dans l'industrie : les mariages entre groupes permettant aux puissants d'exploiter davantage de magasins, sans pour autant construire de nouvelles unités. C'est ainsi que les Docks rémois (société succursaliste, 2 milliards de chiffre d'affaires), en même temps qu'ils ouvraient 7 supermarchés, ont pris le contrôle des six magasins de la CIP (deux hypermarchés Gamma et 4 supermarchés). De son côté, Carrefour, qui fut en France le pionnier des très grandes surfaces (il réalise un chiffre d'affaires de 2 milliards), a conclu des accords avec les Comptoirs modernes, puis avec le groupe Dock lyonnais-Docks de Nevers pour exploiter des magasins qui existent déjà. Enfin, la technique du franchising — location de l'enseigne et fourniture de services, moyennant une redevance — fait d'énormes progrès, si bien qu'il est pratiquement impossible au non-initié de savoir quelle société se cache sous telle enseigne : Carrefour ou Mammouth.

Les grands magasins, de leur côté, ne restent pas inactifs. Un recensement, le premier du genre, fait par l'Institut français du libre-service révèle qu'il existe en France 130 grands magasins, qui, de 1965 à 1971, ont créé près de 200 000 m2 de surface de vente nouvelle. Les grands magasins parisiens exploitent les ensembles les plus vastes du genre (17 unités couvrent le tiers de la surface de l'ensemble, soit 309 000 m2) : le Printemps Haussmann, les Galeries Lafayette et le géant de la catégorie la Samaritaine-Pont Neuf couvrent chacun plus de 40 000 m2.

Mais le groupe le plus important est provincial : les Nouvelles Galeries, en effet, contrôlent le BHV et exploitent directement 59 établissements, soit 45 % de l'ensemble.

L'affaire du Printemps

L'expansion des grands magasins est très clairement liée à la décentralisation et à l'ouverture de centres commerciaux régionaux : Belle-Épine, près d'Orly, a ouvert en septembre 1971, avec comme locomotives BHV et Galeries Lafayette ; Vélizy-Villacoublay ouvre en mars 1972, avec le Printemps (déjà présent à Parly 2) et de la Samaritaine. De son côté le Louvre a annoncé, en septembre, son intention de fermer en 1974 le magasin de la rue de Rivoli, qui sera transformé en bureaux, et l'ouverture, en 1973, de deux magasins en banlieue.

Autre événement de l'année dans les grands magasins français : la prise de contrôle du Printemps, devenu société anonyme, par le groupe suisse Maus, déjà présent dans le capital des Nouvelles Galeries. C'est par le biais de la Société alsacienne de magasins, affiliée à la centrale d'achats du Printemps, que cette opération s'est faite. Une réorganisation complète du groupe et de ses méthodes de gestion redonnera peut-être au Printemps des chances d'accroître sa rentabilité.

Enfin, le capital de Paris-France (Trois Quartiers à Paris et Dames de France en province) est passé sous le contrôle conjugué du Crédit commercial de France, de l'Union des assurances de Paris et des Docks rémois, les deux premières de ces sociétés ayant une participation dans le capital de la troisième.

Banque

L'internationalisation accélérée

L'année 1971 est une année dont les banquiers français se souviendront. Ils auront passé des mois, les yeux tournés vers Francfort, Londres ou New York pour y suivre avec inquiétude la montée des périls monétaires ou y rechercher des partenaires. Car cette année restera celle de l'internationalisation accélérée de la banque française.

L'ouverture de 1966

Un bref retour en arrière permet de mesurer le chemin parcouru au cours des cinq dernières années pour en arriver là. C'est Michel Debré, ministre des Finances, qui, en 1966, va déclencher une révolution dans le monde jusqu'alors bien calme des banquiers français. En supprimant une série de réglementations très malthusiennes — limitation du nombre des guichets, séparation stricte des opérations réalisables par chaque type de banque —, il plonge d'un seul coup les banques dans la concurrence. Les premières à réagir sont les banques d'affaires. Comme la Banque de l'Indochine, elles se transforment en banques de dépôts et créent un holding chargé de gérer les participations.