Que dire de l'avenir ? L'activité restera bonne jusqu'au troisième trimestre, mais 1973 pourrait marquer un retournement du cycle textile que la plupart considèrent comme une fatalité inéluctable.

De plus, l'internationalisation croissante du marché, l'entrée des Britanniques dans la CEE provoqueront sans aucun doute un remue-ménage qui se traduira par des absorptions ou des fermetures d'usines. C'est pour lutter contre cette dernière éventualité que la profession prêche depuis un an un accord mondial sur les échanges de produits textiles, accord qu'elle voudrait volontiers restrictif (le frein mis en 1971 par les Américains sur les ventes du Japon, de Hongkong, de Corée et de Formose l'y invite) malgré le libéralisme affiché par les responsables de la CEE.

De toute façon, la France reste, en Europe, le pays le plus protégé contre les attaques de l'extérieur. C'est donc elle qui, malgré les efforts considérables entrepris depuis quelques années, a le plus grand chemin à faire pour être capable de se battre tous azimuts.

Distribution

Recherche d'un difficile équilibre

L'aide gouvernementale aux commerçants et aux artisans marque l'année 1972. À quelques semaines du référendum sur l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, le gouvernement décidait tout un ensemble de mesures destinées à calmer la hargne et la grogne de ceux qui se considèrent toujours comme les laissés-pour-compte de l'économie.

Pour éviter que ne se reproduisent les erreurs qui avaient entaché la première réforme de l'assurance maladie des travailleurs indépendants, chacun des ministres responsables de ces décisions avait largement consulté les représentants des organisations professionnelles, traditionnelles ou contestataires. Ceux-ci, de leur côté, multipliaient les rencontres avec les parlementaires de toutes tendances afin d'obtenir le dépôt de proposition de loi, puis des amendements aux projets de loi gouvernementaux, lors de la discussion des différentes mesures à l'Assemblée nationale et au Sénat.

L'effort consenti par le gouvernement est certes important sur le plan financier : formé aussi bien par les moins-values fiscales que représentent les mesures décidées que par les subventions budgétaires qu'elles supposent, l'effort financier représente quelque 1,5 à 2 milliards de francs, qui s'ajoutent aux 2 milliards et demi déjà dispensés depuis trois ans à ces catégories socio-professionnelles.

Le grand point d'interrogation reste en cette matière l'impact psychologique de ces décisions. Bien qu'un tel effort en leur faveur soit sans précédent, on ne peut guère s'attendre à ce que, dans les années qui viennent, les organisations professionnelles baissent pavillon : la revendication est le ciment indispensable à leur existence. La plupart des organisations ont affirmé leur déception au lendemain du Conseil des ministres du 29 mars 1972, mais leurs critiques portaient sur des points de détail plutôt que sur l'ensemble du dispositif. Le CID-UNATI, en particulier, avait fait de la libération de la dizaine de commerçants et artisans (dont Gérard Nicoud) emprisonnés par le jeu de la loi anticasseurs pour des délits syndicaux et de l'amnistie pour le non-paiement d'impôts et de cotisations sociales le préalable à tout dialogue avec les pouvoirs publics.

Le jeune leader du CID-UNATI, condamné à huit mois de prison le 29 octobre 1971 par le tribunal de Libourne pour une manifestation qui avait dégénéré en émeute le 12 mars précédent, a été incarcéré le 25 novembre 1971 à la prison de Bonneville pour 14 mois : sa nouvelle condamnation rendait exécutoire une précédente peine de 6 mois de prison avec sursis.

L'action du plus remuant des mouvements contestataires a d'ailleurs, au cours de cette année, changé de style : les enlèvements de fonctionnaires, le vol de dossiers dans les perceptions, les manifestations assorties d'affrontements avec les forces de l'ordre semblent passées de mode. Quant aux manifestations de masse, elles démontrent trop souvent la faiblesse des organisations, tant la fibre militante est peu développée chez les petits patrons.