Les premières expériences ont montré l'excellente qualité des faisceaux de protons, en intensité comme en focalisation. Elles ont mis en évidence l'augmentation du diamètre effectif des protons à haute énergie, et permis de déterminer les zones d'énergie dans lesquelles on peut créer de nouvelles particules.

Plusieurs fois retardée au cours de ces dernières années, la construction du super-accélérateur du CERN, qui atteindra de 150 à 500 GeV, est enfin commencée et se poursuit activement.

À Serpoukhov, à la mi-octobre, les autorités françaises et soviétiques ont inauguré la chambre à bulles Mirabelle, construite à Saclay, la plus grande chambre à hydrogène liquide du monde. Les premières expériences réalisées avec cet appareil, qui est exploité en commun par les physiciens des deux pays, auprès de l'accélérateur soviétique de 70 GeV ont donné pleine satisfaction.

Incidents à « Batavia »

En contrepoint des succès européens, les Américains ont enregistré un contretemps avec leur accélérateur de Batavia, près de Chicago. Conçue pour imprimer aux protons une énergie de 200 GeV, ultérieurement portée à 400 GeV (Journal de l'année 1970-7), la machine s'est révélée défectueuse dès les premiers essais. Les protons s'y perdent à l'intérieur de l'anneau avant d'avoir reçu une énergie suffisante, et ne font même pas un tour complet. Il semble que les bobinages des électro-aimants dont le champ magnétique maintient les protons dans l'anneau aient été insuffisamment isolés et qu'ils aient reçu de l'humidité. De plus, on s'est aperçu que l'anneau contenait des poussières, alors qu'il est nécessaire d'y entretenir un vide très poussé, pour éviter que les protons interagissent avec d'autres particules matérielles.

Les techniciens de Batavia se sont donc résolus à démonter quelque deux cents aimants, pour les faire sécher et ensuite épaissir la couche d'isolant. Toute l'installation a été révisée et nettoyée. Ces opérations ont été terminées au début de mars, et l'inauguration officielle de la machine fixée au mois de juillet. Elle sera de beaucoup la plus puissante du monde, jusqu'à ce que le super-CERN vienne la concurrencer d'ici quelques années.

Cependant, la physique d'outre-Atlantique a enregistré, au cours de l'été 1971, d'importants résultats expérimentaux auprès de l'accélérateur linéaire de Stanford. Entrée en service en 1966, cette machine, la plus puissante de sa catégorie, accélère des électrons dans un tube de 3 km de long jusqu'à une vitesse très proche de celle de la lumière. En bombardant des nucléons (c'est-à-dire des protons ou des neutrons, constituants du noyau atomique) avec des électrons accélérés, les chercheurs de Stanford ont pu confirmer un phénomène déjà entrevu après certaines expériences européennes : la déviation des électrons après le choc n'est pas toujours la même. Les nucléons ont donc une structure composite. Ils semblent être faits de particules liées entre elles par des forces plus puissantes encore que les forces nucléaires. En attendant de les connaître, on a donné à ces particules le nom de partons. Certains les assimilent aux fameux quarks prévus par la théorie, qui, en dépit de certaines expériences (Journal de l'année 1969-70), n'ont pas encore été mis en évidence de façon certaine.

Le réacteur de Grenoble

Entré en divergence le 31 août 1971, le réacteur de Grenoble a atteint à la fin de l'année sa puissance prévue de 57 MW. Il produit 100 millions de neutrons par centimètre carré et par seconde. Convenablement ralenties, ces particules explorent les phénomènes qui se déroulent à l'échelle atomique.

Les rayons X — principal instrument utilisé jusqu'ici pour cette étude — distinguent mal, dans un solide, les atomes dont le nombre d'électrons est peu différent (c'est-à-dire ceux des éléments qui sont voisins dans la classification périodique). L'atome d'hydrogène, avec son électron unique, reste pour eux presque invisible. En outre, si les rayons X renseignent sur la position des atomes, ils ne disent rien sur les mouvements qui les agitent. Le neutron permet d'observer simultanément, avec une grande précision, la position des atomes et leurs mouvements.