Un autre projet, scientifique celui-là, devrait donner en 1973 du travail à trois sous-marins expérimentaux : l'Alvin américain, la Soucoupe plongeante 3000 française (tous deux de petites dimensions) et le bathyscaphe Archimède (seul sous-marins existant capable de descendre dans les fosses océaniques les plus profondes et d'emporter une charge utile importante, dont le poids varie d'ailleurs en raison inverse de la profondeur ultime de la plongée). Ces trois engins devront explorer la dorsale médio-atlantique. Le projet FAMOUS (French American Mid-Oceanic Underwater Survey) se propose d'étudier in situ cette dorsale dont on sait l'importance pour les théories récentes de renouvellement des fonds océaniques et de dérive des continents, d'où est sortie l'hypothèse synthétique de la tectonique des plaques (Journal de l'année 1970-71).

L'Argyronète abandonné

En revanche, la construction du gros sous-marin crache-plongeurs du Cema, l'Argyronète, a été suspendue en septembre 1971. Contrairement au Shelf-Diver, qui est un engin léger et d'exploitation peu coûteuse (9 t, 10 000 F par jour), l'Argyronète aurait été lourd et cher : 100 000 F par jour très probablement, avec ses 255 t, ses six passagers et ses quatre plongeurs. Si bien que les pétroliers ses principaux utilisateurs éventuels, ont déclaré forfait. Dès lors, les deux bailleurs de fonds, le Cnexo et l'Institut du pétrole, n'auraient pu récupérer leurs investissements. Et d'autant moins que le coût de la construction de l'Argyronète avait vertigineusement augmenté : des 20 millions de francs prévus en 1969, on en était arrivé pendant l'été 1971 à 33 millions de francs auxquels il fallait ajouter 6 millions d'aléas et 10 millions de TVA. En plus de sa moitié des 49 millions, le Cnexo aurait dû fournir 7 millions supplémentaires pour payer les essais, les pièces de rechange et la base terrestre de l'Argyronète.

Toutes ces nouveautés sous-marines ne doivent pas faire oublier les navires de surface. Le Pélican, construit à Rotterdam, par les chantiers IHC-Gusto, pour la SOMASER (Société maritime de service, constituée pour 42 % par la Société navale des pétroles, 38 % par FORAMER et 20 % par C.G. Doris), sera le premier navire européen spécialement conçu pour les forages pétroliers sous-marins. Déplaçant 16 000 t, doté de l'ancrage dynamique et d'un dispositif antiroulis, le Pélican pourra, dès l'été 1972, forer les fonds marins à travers 300 m d'eau. Mais on étudie déjà l'équipement qui lui permettra de travailler par 3 000 m d'eau. La manipulation des tiges sera automatique ; le bateau sera équipé d'un dispositif anti-pilonnement.

Autre navire tout neuf : le Marion-Dufresne, construit par les Ateliers et Chantiers réunis du Havre et de La Rochelle-Pallice. Propriété des Messageries maritimes, mais affrété exclusivement pendant vingt ans par le territoire d'outre-mer des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), le Marion-Dufresne, lancé au Havre le 16 mars 1972, devrait entrer en service dès le début de l'hiver 1972-73. Il est destiné à un double usage : assurer les relèves des bases subantarctiques Kerguelen, Crozet et Amsterdam, que la France possède dans le sud de l'océan Indien, et développer les campagnes océanographiques fructueuses que les TAAF ont entreprises depuis quelques années dans ces parages peu fréquentés.

Un raid glaciologique français en Antarctique

La première partie du projet international de glaciologie antarctique a été exécutée pendant l'été austral 1971-72. Dix Français, sous la conduite de Robert Guillard, pour le raid proprement dit, et de Claude Lorius, pour la glaciologie, ont parcouru 800 km depuis la base de départ Carrefour (à une vingtaine de km de la station Dumont d'Urville). Le raid s'est effectué en direction de la base soviétique de Vostok. En fait, l'expédition française devait parcourir 1 000 km, mais des conditions météorologiques détestables ont ralenti sa progression et l'ont donc empêchée d'atteindre l'endroit prévu.

Tous les 200 km, l'expédition française devait mesurer cinq polygones d'une dizaine de km de rayon, matérialisés par des balises plantées solidement dans la calotte glaciaire. Leurs déformations dues à l'écoulement de la glace auraient donné des renseignements cinq ans après sur la dynamique de la calotte glaciaire. Mais les conditions météorologiques étant mauvaises, deux polygones seulement ont été réalisés.