Augmentation sensible du nombre de logements construits, préoccupation nouvelle de la qualité de ceux-ci : la France sort, enfin, de l'après-guerre.

Difficultés persistantes

De 1960 à 1970, la productivité des entreprises du bâtiment a sensiblement progressé : alors que le chiffre d'affaires de la profession triplait en francs constants (1961 : 20 milliards de francs, 1970 : 72 milliards) et doublait en francs courants, les effectifs n'augmentaient que de 25 %.

Pourtant, le malaise n'a cessé d'augmenter dans une industrie soumise à des phénomènes de concentration et dont les méthodes de financement sont souvent précaires : marges bénéficiaires très faibles (1 à 3 %), retards dans les paiements des commandes publiques et privées provoquent de sérieuses difficultés de trésorerie et de nombreuses faillites. Ainsi, sur les 10 000 entreprises de la région parisienne, 400, employant 17 000 salariés, ont fermé leurs portes en 1971, contre 300, employant 9 700 salariés en 1970.

Chimie

Les géants se concertent

Croissance spectaculaire des produits organiques, course au gigantisme des unités de production, baisse vertigineuse de certains prix, telles sont les caractéristiques de l'industrie chimique européenne des années 60. Cela ne pouvait durer. Après l'euphorie, ce fut le dur réveil de 1971.

Les géants allemands — Bayer, Basf, Hœchst — suffoquent dans l'éthylène et voient leurs bénéfices baisser de 25 à 40 % tandis que leur niveau d'endettement atteint près de la moitié de leurs capitaux permanents. Rhône-Poulenc s'en tire avec une baisse de 40 % de ses bénéfices, due principalement au marasme des fibres synthétiques qui représentent encore le tiers de son chiffre d'affaires. Partout, des coupes sombres sont faites dans les investissements : le géant anglo-néerlandais Shell-Chimie élague son projet de 3 milliards de francs à Carrington, Hœchst réduit de 18 % ses investissements en Allemagne pour 1971, la Basf de 67 %.

Les licenciements sont massifs : 8 000 personnes chez ICI, 5 700 chez le géant néerlandais des films AKZO, quelques centaines chez Rhône-Poulenc.

Dans ce monde de colosses qui ne raisonnent qu'en milliards de francs et en centaines de milliers de tonnes, ce sont (une fois n'est pas coutume) les retardataires qui ont tiré leur épingle du jeu.

Retard ou avance

En France, par exemple, la chimie minérale (chlore, acide sulfurique, engrais), traditionnellement à la traîne derrière une chimie organique florissante (plastiques, fibres synthétiques, etc.) a pris sa revanche puisque ses taux de croissance respectifs ont été en 1971 de 9,7 et de 8,5 %. Les engrais ont été les champions de la chimie minérale avec des augmentations de production allant de 11,7 à 12,9 % selon les produits. Dans l'organique, les plastiques restent en tête avec 16,2 % de croissance, au profit surtout du polyéthylène. La pharmacie marque avec une progression modeste : 6 %.

Plus généralement, l'industrie chimique française, en retard dans bien des secteurs (production de plastiques et de fibres, capacité d'éthylène et de propylène) sur ses concurrents allemands, italiens et britanniques, a moins souffert qu'eux de la surcapacité de production qui s'est manifestée depuis le deuxième semestre de 1970 (surcapacité qui a provoqué un véritable effondrement des prix et des résultats).

La production a progressé de 7,8 % en 1971, ce qui est très convenable. De plus, les entreprises françaises, qui avaient insuffisamment investi au cours des années 60, se trouvent désormais bien placées pour installer des unités qui entreront en service d'ici un an ou deux, c'est-à-dire au moment où la demande européenne risque d'avoir rejoint l'offre. D'ailleurs, d'après les statistiques de la revue britannique Chemical Age, la baisse des projets d'investissements entre 1971 et 1972 n'est que de 2 % en France contre 18 % en Allemagne. La palme du dynamisme revient au groupe ATO, groupement d'intérêt économique constitué fin 1971 pour coordonner les activités chimiques des pétroliers, Aquitaine (Elf-Erap) et Total (Française des pétroles). ATO doit devenir le premier grand français dans les plastiques, secteur dominé actuellement en Europe par la Basf, Montedison (Italie), ICI et Shell, Ugine-Kuhlman, Rhône-Poulenc. La lutte risque d'être chaude, d'autant plus que les prix, en augmentation de 0,5 % seulement en 1971, peuvent fort bien s'effondrer : ce fut le cas en Allemagne.

Cartellisation

À l'inverse, la situation paraît s'être quelque peu calmée dans les fibres synthétiques. Après une concurrence acharnée en 1970 et au premier semestre 1971, concurrence d'autant plus vive que les commandes de l'industrie textile (principal débouché) étaient faibles, un certain nombre de producteurs ont décidé, au début de l'année 1972, de s'entendre pour pratiquer des prix-planchers et pour coordonner leur politique d'investissement.