Le bilan scientifique de cet engin est impressionnant : pendant dix mois et dix-sept jours, il a parcouru une distance de 10 540 m et exploré une zone de 80 000 m2 dans la mer des Pluies. 20 000 photographies ont été prises, comprenant 200 montages panoramiques ; 500 séries de mesures physiques ont été effectuées et la composition chimique du sol analysée en 25 endroits différents. En terminant sa mission, il s'est immobilisé en présentant vers la Terre son réflecteur laser, qui constituait l'apport français à cette expérience. Ainsi, l'épave de Lunakhod demeurera longtemps utile, notamment pour la mesure instantanée de la distance Terre-Lune. En raison de leur grande précision, ces mesures permettent d'améliorer nos connaissances sur les mouvements des deux astres.

Le sabordage de Saliout

L'accident qui coûta la vie aux trois premiers occupants de la station orbitale Saliout (Journal de l'année 1970-71) a été expliqué par une brusque décompression de la cabine du véhicule Soyouz 11. La station spatiale elle-même n'étant pas en cause, chaque fois que le freinage atmosphérique la rapprochait de la Terre elle était transférée par télécommande sur une orbite plus haute ; le 17 août 1971, au cours de la huitième et dernière manœuvre de ce genre, elle fut ainsi élevée à quelque 300 km d'altitude. Tout permettait de croire que d'autres équipes rejoindraient la station. En fait, plus le temps passait et plus cette éventualité devenait improbable ; la fiabilité d'un engin habitable abandonné à lui-même dans l'espace diminue rapidement (possibilité de fuites de gaz et d'ergols, de grippage des vannes, de défectuosités dans les équipements électroniques, etc.). Il semble que, pour cette première station orbitale satellisée le 19 avril 1971, une durée de six mois ait été prévue. Aussi, le 11 octobre, les responsables de l'opération ont-ils commandé la chute de Saliout dans les eaux du Pacifique. Du début à la fin de sa mission, Saliout a parfaitement fonctionné, mais le drame du Soyouz a incité à renoncer au moins à deux autres navettes : le mot russe saliout signifie salve et, en fait de salve, il n'y a eu qu'un seul tir.

Pas d'encombrement spatial à redouter

Un pointage effectué à la date du 26 juillet 1971 révèle que le nombre total des satellites (actifs ou hors de service), des étages de lanceurs, des ogives de ces derniers et des autres épaves qui gravitaient alors autour de la Terre s'élevait à 5 231 (sans compter la foule des objets trops petits pour être détectés). Le 4 octobre 1967 — jour anniversaire du lancement du premier Spoutnik, 292 satellites étaient dénombrés (Journal de l'année 1967-68). Toutefois, l'embouteillage spatial est une crainte à exclure : le volume sillonné par ces engins est immense.

Vers les profondeurs du cosmos

Si la Lune peut être considérée comme une dépendance de la Terre, et Vénus et Mars comme des planètes sœurs, Jupiter est à classer dans une tout autre catégorie. Ce géant, dont le diamètre vaut onze fois celui de la Terre, n'est pas de nature rocheuse ; il est essentiellement constitué de gaz. Il gravite loin de nous ; pour l'atteindre, une sonde spatiale devra parcourir une courbe longue d'un milliard de kilomètres.

Passer de l'exploration de Mars à celle de Jupiter, c'est, pour la recherche spatiale, s'engager dans une aventure toute nouvelle. Les Américains la tentent avec leur Pioneer 10, lancé au cap Kennedy le 3 mars 1972. La vitesse qui lui a été communiquée est la plus grande dont ait été doté jusqu'ici un engin cosmique : onze heures quarante minutes après son lancement, Pioneer franchissait déjà l'orbite lunaire !

Au-delà de Mars la faible intensité des rayons du Soleil exclut l'emploi des batteries de cellules solaires. La sonde jovienne a donc été pourvue de quatre générateurs isotopiques. Aussi, pour une masse totale de 250 kg, n'a-t-elle pu emporter que 27 kg d'équipements scientifiques : onze appareils dont certains servent aux mesures habituelles des engins Pioneer dans le milieu interplanétaire (vent solaire, champ magnétique, météorites), tandis que d'autres permettront d'étudier le flux de météorites que l'on suppose très dense dans la bande située entre Mars et Jupiter, où gravitent les petites planètes. Pioneer 10 n'est pas porteur de caméras, mais un photopolarimètre permettra de reconstituer une image grossière de l'aspect de l'atmosphère de Jupiter lors du survol de la planète, à près de 160 000 km, en décembre 1973.

Vers d'autres soleils

L'énorme masse de Jupiter attire puissamment les corps célestes. Pioneer sera ainsi accéléré et dévié. Mais la trajectoire a été calculée de sorte que la sonde ne se précipite pas sur la planète ; bien que déviée, elle passera à quelque 160 000 km de Jupiter. L'accélération imprimée par l'énorme planète conférera à Pioneer la troisième vitesse cosmique : il sera le premier engin qui, ayant vaincu l'attraction du Soleil, s'éloignera pour toujours du système solaire vers d'autres étoiles.