La mise en place de la nouvelle grille se fait dans les premières semaines d'octobre, de novembre et de janvier. Au début de l'année 1972, on peut voir, le lundi, un grand film populaire (la série des Sissi, des Angélique), ou Au théâtre ce soir, suivi d'une émission scientifique ; le mardi, Cadet Rousselle, un feuilleton étranger (les Envahisseurs, Mannix) et une heure de compte rendu sportif (Match sur la 2) ; le mercredi, les Dossiers de l'écran qui entament leur sixième année de carrière ; le jeudi, une émission dramatique ou un feuilleton français (Pot-Bouille) et une littéraire (Italiques) ; le vendredi, un jeu (Entrez sans frapper) et un magazine mensuel d'actualité (l'Heure de vérité, la Qualité de la vie, Plein Cadre, le Troisième Œil), suivi d'une musicale, trois fois par mois. Le samedi, un programme de variétés est diffusé en direct (À la manière 2, Top à...), puis une série (la Demoiselle d'Avignon, la Malle de Hambourg) et Samedi soir, animé par Philippe Bouvard. Enfin, le dimanche, deux émissions documentaires dites « de connaissance », suivies d'un Ciné-Club, qui propose de grands classiques du cinéma. Malgré l'heure tardive de programmation, la formule recueille une audience importante. À signaler que Jacqueline Baudrier a dû renoncer à son heure quotidienne d'information, tentative pourtant non dénuée d'intérêt et qui a été reprise par plusieurs télévisions européennes. Le projet d'un journal à l'heure du petit déjeuner ne verra pas le jour cette saison.

Information continue

En novembre, Roland Dhordain, accompagné de Pierre Desgraupes, son directeur de l'information, annonce à son tour ses intentions. La principale est de créer une formule d'information continue, établissant une sorte d'osmose entre le journalisme et la distraction. L'initiative d'un spectacle d'information avait été lancée par Jacqueline Baudrier avant l'élaboration de la formule du Troisième Œil. Première illustration de ce principe : l'émission de la mi-journée (Télé-Midi devenu Miditrente) où informations et variétés sont plus imbriquées que précédemment. On ne tarde pas à constater que le public de l'heure du déjeuner garde un esprit très traditionaliste et n'apprécie guère le mélange des genres.

La semaine se présente de la façon suivante : le lundi, une série française (Schulmeister, espion de l'Empereur, les Évasions célèbres) et une émission de sciences humaines ; le mardi, une production d'Information Première (À armes égales, Hexagone, Une, Première, Procès d'Éliane Victor, présenté par Etienne Mougeotte) et une émission musicale ; le mercredi, des variétés (la Piste aux étoiles, le Grand Échiquier, Ksst, ksst, ksst) et, de temps en temps, un récital ; le jeudi, l'Actualité en question, animée par Etienne Mougeotte, une série étrangère et un programme de variétés ; le vendredi, une dramatique ou une série ayant trait au cinéma (Au cinéma ce soir) et une émission littéraire ; le samedi, une dramatique, une œuvre d'anticipation ou une série policière (les Dossiers de Me Gobineau) et, le dimanche, rediffusion des meilleurs numéros du Théâtre de la jeunesse dans l'après-midi, à la place du film habituel ; la soirée est consacrée au cinéma.

Pour les fêtes de fin d'année, on lance deux séries françaises : la Dame de Monsoreau et Schulmeister, espion de l'Empereur, un festival cinématographique de l'aventure assorti d'un concours, et quelques classiques : Mais n'te promène donc pas toute nue, de Feydeau, l'Impromptu de Versailles, de Molière. Les émissions les plus remarquées pour leur qualité n'avaient pas été tournées spécialement pour la fin de l'année : les Cent Livres de Claude Santelli, consacré à Du côté de chez Swann, les Provinciales ; les Voyages de mademoiselle Lapié, une heureuse adaptation des Bottes de sept lieues de Marcel Aymé, signée François Chavallier, un reportage-spectacle de Frédéric Rossif sur Georges Mathieu ou la Fureur d'être, une bonne représentation de l'Heure éblouissante. Idée originale qui n'a pas tenu ses promesses : une soirée entièrement réservée aux jeunes le 25 décembre.

Effort musical

À l'approche du printemps, Pierre Sabbagh peut annoncer que l'audience moyenne de la deuxième chaîne a considérablement remonté. En janvier, elle dépasse plusieurs fois 60 % (Maigret, Sissi, Cadet Rousselle) et souvent 35 %. Pendant le même mois, 39,8 % des spectateurs ont suivi seulement la première chaîne ; 6 %, seulement la deuxième ; 40,6 % les deux chaînes et 13,6 % n'ont pas regardé la télévision. Certains ne manquent pas de faire remarquer que les chiffres peuvent toujours signifier ce que l'on veut bien leur faire dire. Le succès relatif de la deuxième chaîne viendrait du nivellement par le bas de la première. Si une partie des critiques se justifie, il faut, dans la grisaille générale, saluer de réels efforts dans certains secteurs, la musique notamment. Pierre Vozlinski, qui dirige le service des émissions musicales depuis 1969, a réussi à transformer la politique de l'Office dans ce domaine. Pour l'année 1972, il s'est assuré la diffusion de deux cent vingt heures d'émissions musicales sur les deux chaînes. En plus de séries régulières très appréciées (Arcana), il a su réhabiliter le jazz, faire appel à de grands réalisateurs maison (Marcel Bluwal pour l'Histoire du soldat de Stravinski), mener à bien des émissions exceptionnelles (Elizabeth Schwartzkopf, Jascha Heifetz), promouvoir le théâtre lyrique à des heures de forte écoute (Paillasse, Rigoletto). Une idée à retenir : Demain à l'Opéra, qui se propose, la veille de la diffusion d'une œuvre lyrique, d'exposer au public non averti tous les éléments nécessaires à une meilleure compréhension.

Un public oublié

Si les mélomanes ont des raisons d'être satisfaits, il n'en est pas de même du jeune public, à qui l'on dispense bien peu d'heures de programme : des émissions sans grand intérêt le jeudi après-midi sur la première chaîne et quasiment rien sur la deuxième. Les sportifs, eux, bénéficient de quelques privilèges. La direction de l'Office va même jusqu'à faire exceptionnellement diffuser, en direct de Sapporo, à cinq heures du matin, les épreuves des jeux Olympiques d'hiver !