Succès aussi pour Sans mobile apparent de Philippe Labro, La vieille fille de Jean-Pierre Blanc, La poudre d'escampette de Philippe de Broca, La mandarine d'Édouard Molinaro et surtout Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil de Jean Yanne. Acteur, metteur en scène, prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes, Jean Yanne a beaucoup fait parler de lui. Son film témoigne en tout cas d'un séduisant savoir-faire. À la limite de la charge grossière, il a néanmoins le mérite de s'attaquer à quelques problèmes de la société dite de consommation (ici une peinture bouffonne des coulisses de la radio).

N'osant sérieusement se mesurer avec les scandales qui défrayent la chronique certains cinéastes n'hésitent pas à égratigner la société. Mais Jean-Pierre Mocky, après L'albatros, échoue dans une satire pesante des scandales immobiliers (Chut !). Sincère mais maladroit, René Gilson brosse un portrait sympathique et naïf de la jeunesse contestataire dans On n'arrête pas le printemps. Plus sérieux, Marin Karmitz tente dans Coup pour coup une expérience de cinéma collectif d'inspiration gauchiste. C'est également une simplification abusive des phénomènes économiques, sociaux et politiques qui empêche le dernier film de J.-L. Godard (et J.-P. Gorin), Tout va bien, d'être pleinement convaincant. Mais le retour de l'enfant prodigue dans les circuits commerciaux est néanmoins une heureuse surprise.

Après le succès de Jules et Jim, François Truffaut a voulu ressusciter une autre œuvre du romancier Henri-Pierre Roché. Mais ces broderies psychologiques d'un autre âge ont paru bien fades et bien fabriquées. L'interprétation maladroite de Jean-Pierre Léaud n'a fait qu'alourdir un récit déjà suffisamment étouffé par un romanesque échevelé. Quant à Claude Chabrol, c'est avec consternation qu'on l'a vu sombrer avec sa Décade prodigieuse.

C'est sans regret qu'on oubliera Boulevard du rhum de Robert Enrico, Les pétroleuses de Christian-Jaque, Où est passé Tom ? de José Giovanni, Papa les p'tits bateaux de Nelly Kaplan, Pouce de Jean Badal, L'ingénu de Norbert Carbonnaux, L'homme au cerveau greffé de Jacques Doniol-Valcroze, Mendiants et orgueilleux de Jacques Poitrenaud, voire le décevant Saut de l'ange d'Yves Boisset, Hellé de Roger Vadim, L'œuf de Jean Herman, Faustine de Nina Companeez, Églantine de Jean-Claude Brialy, Un peu de soleil dans l'eau froide de Jacques Deray. On se doit d'être encore plus sévère pour des films comme Les feux de la Chandeleur de Serge Korber, Aussi loin que l'amour de Frédéric Rossif, Le tueur de Denys de la Patellière, les deux Sergio Gobbi Les intrus et Les galets d'Étretat, le ratage de Romain Gary, Kill.

Plus personnels, Ça n'arrive qu'aux autres de Nadine Trintignant et La nuit bulgare de Michel Mitrani ne sont guère parvenus cependant à emporter de manière décisive l'adhésion profonde d'un vaste public.

Le cinéma français, à force de jouer sur la mièvrerie ou le feuilleton de gare, paraît totalement aseptisé, en retrait sur toutes les recherches thématiques ou formelles qui, au même moment, naissent un peu partout dans le monde.

Il est évident que Claude Lelouch, après Smic smac smoc, est parvenu à maîtriser totalement son savoir-faire dans L'aventure c'est l'aventure.

Aussi les meilleurs films de l'année paraissent-ils soudain d'une modestie révélatrice. Robert Bresson, dans Quatre nuits d'un rêveur, s'est vu boudé par le public sans que cela diminue pour autant ses qualités un peu froides. Blanche de Walerian Borowczyk est une fascinante tapisserie médiévale où Michel Simon joue un personnage à sa mesure ; Continental Circus de Jérôme Laperrousaz est un reportage d'une belle justesse psychologique sur le monde des aficionados de la moto ; Rak, de Charles Belmont, un hymne délicat à la cellule familiale en même temps qu'un pamphlet courageux contre une certaine médecine ; Les amis, de Gérard Blain, une très belle chronique affective ; Les camisards, de René Allio, une tentative de révision brechtienne de l'histoire de France ; Avoir vingt ans dans les Aurès, de René Vauthier, un essai maladroit parfois, mais chaleureux toujours, sur la guerre d'Algérie vécue par ceux du contingent ; Pic et pic et colégram de Rachel Weinberg, un film tendre et d'une facture très personnelle.