Journal de l'année Édition 1972 1972Éd. 1972

Architecture / Urbanisme

Le design introduit une nouvelle réflexion

La proclamation, au mois de juillet 1971, des résultats définitifs du concours international pour l'édification (plateau Beaubourg) du Centre national d'art contemporain, souhaité par le président Pompidou, aura-t-elle été le seul événement architectural de l'année.

Le public — dans la mesure où il sait se montrer sensible aux choses de l'architecture, c'est-à-dire de façon encore bien hésitante — et les spécialistes étaient en droit d'attendre beaucoup d'une compétition à laquelle 681 équipes françaises et étrangères parmi les plus fameuses s'étaient inscrites. Le résultat n'aura finalement apporté qu'étonnement, déception, et même amertume.

Le projet Beaubourg

Retenu parmi des propositions d'une grande diversité de conception, le projet, lauré par un jury où siégeaient en minorité, auprès de hauts fonctionnaires, quelques-uns des plus grands noms de l'architecture mondiale (Oscar Niemeyer, Émile Aillaud, Philip Johnson, etc.) est l'œuvre de trois architectes : deux Italiens, Renzo Piano et Gianfranco Franchini, et un Britannique, Richard Rogers.

Leur musée se présente comme un bâtiment rectangulaire, long de 130 m, large de 40, dont la hauteur initiale de 60 m a été ramenée depuis à 38 m. Entièrement réalisée en verre, la façade du parallélépipède, où se lit en transparence son squelette de croisillons d'acier, sera utilisée en manière d'écran géant pour recevoir des projections lumineuses : musée dedans, mais aussi musée dehors...

« On attendait de l'architecture, on n'a eu que de la construction » : une petite phrase en forme de boutade, mais qui résume parfaitement la déception (profonde) de tous ceux qui s'attendaient avec un tel concours — occasion presque inespérée de récompenser l'imagination créatrice — à un grand témoignage architectural de notre époque : architecture-signal, architecture-sculpture ou, plus simplement, architecture tout court. Ils devront se contenter d'une simple boîte de verre posée sur pilotis, qui n'a pas la grâce de la villa Savoye, « une boîte en l'air, percée tout le tour, sans interruption », une boîte qui ne saurait prétendre marquer son siècle, sinon en tant que démonstration du manque d'idées dont on fait montre, en la concevant, ses auteurs pourtant talentueux.

Les qualités techniques de cette machine à distribuer — et à stocker — la culture sous toutes ses formes actuelles n'ont jamais été sujettes à caution ; la mobilité et la souplesse des volumes intérieurs répondent précisément à toutes les questions-pièges posées par la muséographie moderne la plus exigeante. Son aspect général externe, antimonumental, neutre et antisymbolique laisse sur leur faim (si rarement contentée désormais) les rares obstinés qui attendent encore de l'architecture contemporaine quelque prodige.

Est-ce dans un tel dépit, qui va toujours grandissant, qu'il faut voir l'origine des louables tentatives exercées au niveau officiel en faveur d'une amélioration de l'habitat du plus grand nombre ?

Dans le Programme d'architecture nouvelle (PAN), lancé fin novembre 1971 par Albin Chalandon, ministre de l'Équipement et du logement, figure une décision prometteuse : un contingent de 1 000 à 2 000 logements va être réservé dès 1972 pour la réalisation de projets de construction originaux, élaborés notamment par de jeunes architectes. Le but essentiel de ce programme étant de permettre à ceux qui présentent les meilleures idées de les concrétiser par la réalisation de logements, en association avec des maîtres d'ouvrage. Mieux, une aide financière sera accordée aux auteurs des meilleures propositions pour leur permettre de supporter la charge des études et des recherches.

Options nouvelles

Outre cette disposition particulière, un certain nombre d'options ont été retenues, tendant toutes à l'amélioration du domaine bâti. D'abord, réhabiliter par rapport aux métropoles tentaculaires les villes d'importance moyenne où les tours et les barres qui écrasent l'homme, selon les propres termes d'Albin Chalandon, seront désormais systématiquement proscrites. Ensuite, favoriser la construction de maisons individuelles, puis réviser les conditions d'emploi des grilles de cotation mises au point par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), à dessein d'établir de nouvelles recommandations favorisant les éléments et matériaux, déterminant une meilleure qualité. Enfin, faire en sorte que soit débloqué en priorité le financement des programmes de qualité et même établir un cycle de formation permanente pour les maîtres d'ouvrages, qui pourraient ainsi participer à des séminaires et à des voyages d'études pris en charge par une fondation financée conjointement par les deux ministères intéressés, l'Équipement et les Affaires culturelles.