Ce ne sont pas là de vaines préoccupations. Les hommes politiques et les administrations les ont perçues. Elles ont orienté pour une part importante, depuis une année, les projets, les décisions, les prévisions.

Environnement

La Suisse devient lentement une grande ville. En dehors des régions montagneuses, les promeneurs solitaires doivent déployer des ruses de Mohicans pour marcher une heure sans que leurs sentiers les conduisent vers les villas blanches et les fermes rénovées des citadins qui fuient, toujours plus loin, le bruit. Les produits de lessive moussent dans les rivières, et les lacs empoisonnent les baigneurs. L'État consent désormais un gros effort financier pour installer partout des stations d'épuration.

Un nouvel article constitutionnel — accepté le 6 juin 1971 par le peuple et les cantons — permet aux Chambres de légiférer. Ce n'est pas assez expéditif. L'urgence des mesures à prendre apparaît telle que le gouvernement, en mars 1972, fait approuver au Parlement un arrêté draconien.

Les cantons doivent immédiatement délimiter des zones intouchables : rives des lacs et des cours d'eau ; sites « uniques par leur beauté et par leur caractère » ; parcs et campagnes indispensables au délassement, à la respiration des citadins.

Pendant ce temps, de petites affaires éclatent. Un homme s'improvise le champion des beaux coins menacés : le journaliste zurichois Franz Weber, celui-là même qui s'est fait connaître en France pour sa lutte en faveur des Baux de Provence et de l'arrière-pays marseillais. Le pays se passionne et s'inquiète : au milieu du vignoble de Lavaux, des constructions dispersées commencent à défigurer les paysages ramuziens ; des locatifs de vacances abîment les vallées grisonnes ; sur le plateau valaisan de Montana, les hôtels-tours cachent la montagne.

Crimes bientôt impossibles ? Époque prochainement révolue ? Berne met les bouchées doubles, et des experts préparent les schémas directeurs de l'avenir : leur rapport final, qu'ils publient en avril, s'étend sur trois gros volumes où les législateurs cantonaux pourront — contrôlés, coordonnés, subventionnés par l'État central — trouver les éléments d'une politique enfin sévère et cohérente.

Sécurité sociale

Sujet si populaire qu'il inspire au Parlement des débats-fleuves et que — pour la huitième fois depuis 1948 — l'assurance fédérale vieillesse et survivants se transforme.

Les rentes versées par l'État, mensuellement, à toute personne âgée de 65 ans et plus, doubleront dès le 1er janvier 1973.

Les caisses de prévoyance professionnelle deviendront obligatoires : tout salarié devra verser sa cotisation, augmentée d'une contribution de l'employeur et calculée de telle manière que, le jour de sa retraite, il pourra compter sur un revenu total pour le moins équivalent à 60 % de son meilleur salaire.

Logements et loyers

En juillet 1971, le Conseil fédéral soumet aux Chambres deux projets d'articles constitutionnels. L'un — 34 sexies ! — permettrait au gouvernement de prendre une série de mesures juridiques et financières pour encourager la construction d'appartements, stimuler les recherches techniques, fournir des capitaux à bas intérêt. L'autre — 34 septies ! — donne compétence à l'État central pour protéger les locataires, non pas en bloquant les loyers (on craint de décourager les investisseurs et d'augmenter la pénurie), mais en évitant les hausses répétées sans préavis.

Alors que les Chambres discutent, de petits incidents opposent, en Suisse romande surtout, des locataires à leurs propriétaires. Les habitants d'un bloc s'entendent pour refuser une augmentation. D'autres s'obstinent à demeurer dans un appartement dont on veut les chasser.

Une grande chaîne de magasins d'alimentation s'en mêle. La société Denner lance une initiative trop manifestement démagogique : il s'agirait de frapper les entreprises industrielles et commerciales de taxes pour constituer un fonds de financement à la construction de logements à bon marché.