Giovanni Leone reçoit donc 518 voix. Faut-il y compter celles des parlementaires néo-fascistes, auquel cas ceux-ci seraient venus suppléer les bulletins de la gauche démocrate-chrétienne ? Le MSI l'affirme. Mais d'autres calculs tendraient à le démentir.

Lorsque le professeur Leone prête serment le 29 décembre et s'installe au Quirinal, la réalité des forces politiques se trouve donc figée selon une nouvelle répartition : un bloc des gauches face à un bloc du centre.

La coalition gouvernementale demeure pourtant la négation de cet affrontement. Elle a cassé les deux blocs pour former le centre gauche. Les socialistes, dans ce cas, appartiennent à la majorité de gouvernement, alors qu'en face de la majorité présidentielle ils se rangent avec l'opposition. Pour les libéraux, le schéma est inverse.

Dans ces conditions, la clarification doit être demandée au corps électoral. Les élections anticipées que la démocratie chrétienne refusait depuis deux ans apparaissent soudain comme le seul barrage aux glissements de terrain qui menacent ses assises : à droite, elle récupérera l'électorat tenté par les néo-fascistes ; à gauche, elle se démarquera et contraindra les socialistes à reprendre leur autonomie. Les communistes, inquiets d'une restauration du centrisme et d'une radicalisation des oppositions, se rallient au projet. Les socialistes espèrent y voir vérifié leur regain marqué depuis deux ans. Pour tous, enfin, anticiper d'un an la consultation législative qui aurait dû se tenir au printemps 1973, c'est reculer d'autant le référendum sur le divorce.

Normalement démissionnaire après l'entrée en fonctions du nouveau président de la République, Emilio Colombo est chargé de former le cabinet. Le 1er février, il échoue. Quinze jours après, c'est Giulio Andreotti, chef du groupe parlementaire démocrate-chrétien, qui prend la relève, selon un scénario qui doit permettre la convocation des électeurs. En effet, le Sénat lui refuse la confiance, le 25 février, par 151 voix (démocrates-chrétiens, libéraux et deux sénateurs à vie) contre 158. Deux jours après, ayant constaté qu'il n'existe aucune majorité viable, le président de la République dissout les Chambres et fixe les élections aux 7 et 8 mai. La veille, le référendum sur le divorce a été, selon la loi, fixé au 11 juin 1972, pour permettre le renvoi à un an.

Élections anticipées

La campagne électorale se déroule sans passion, mais non sans fébrilité de la part des leaders. La démocratie chrétienne, qui partait convaincue d'avoir à essuyer une défaite brutale, ne se contentera pas de récupérer sur sa droite. Le gouvernement homogène de Giulio Andreotti administre très adroitement la situation, rend confiance à l'électeur par de spectaculaires mesures d'ordre public.

Stabilité

Que change ce double scrutin ? Fort peu de choses. Il témoigne de l'extraordinaire stabilité du corps électoral italien : la démocratie chrétienne frôle pour la Chambre les treize millions de voix (12 943 675), mais c'est le niveau autour duquel elle a toujours varié depuis 1948. Les partis de droite se cantonnent aux quatre millions de voix traditionnels. Socialistes et sociaux-démocrates restent autour de cinq millions. Les seules augmentations réelles sont le fait des communistes, qui dépassent, pour la Chambre, les neuf millions de voix, et des républicains qui approchent du million.

Trois conclusions s'imposent :
– les progrès de la droite nationale, où sont associés néo-fascistes et monarchistes, sont nettement inférieurs à ses espoirs : 650 000 voix à la Chambre par rapport aux élections régionales de 1970 ;
– les formations marginales sont écrasées, qu'il s'agisse du Manifesto, sur la gauche du parti communiste, ou du mouvement politique des travailleurs à la gauche de la DC. Même le parti social-prolétarien, qui avait 23 députés, n'en a plus un seul. Au total, un million de voix de gauche dispersées sur ces formations sont perdues ;
– la démocratie chrétienne a résisté à tous les assauts convergents, grâce à sa cohésion interne. C'est d'elle que dépend plus que jamais la signification de cette consultation.