Il est vrai que l'exploration — difficile dans les conditions de la mer du Nord — n'en est qu'à ses débuts. Les perspectives sont plus favorables pour le gaz naturel : cinq gisements approvisionnent déjà la Grande-Bretagne.

Des pétroliers géants

Les compagnies françaises participent aux recherches en mer du Nord : en mars 1972, une raffinerie française a reçu pour la première fois du brut norvégien. Elles étendent aussi leurs efforts à de nouvelles provinces pétrolières : au large de la Bretagne, de la Corse, dans le golfe du Lion, mais aussi en Afrique (Gabon, Congo, Tunisie), en Espagne, en Australie, au Canada, en Indonésie, en Colombie, etc. Autre moyen d'élargir les ressources : augmenter la capacité de transport. En 1971, la France a mis en service neuf pétroliers de plus de 200 000 tonnes, augmentant ainsi de 30 % d'un coup la capacité de sa flotte pétrolière.

L'affrontement n'est pas près de finir entre la volonté politique des pays arabes, dont la prédominance se situe à la production, et la souplesse commerciale des compagnies occidentales, maîtresses des marchés.

L'énergie atomique

La révision de la politique nationale de l'énergie ne concerne pas que le pétrole : elle est sensible aussi dans le redéploiement des forces du Commissariat à l'énergie atomique, qui abandonne son caractère monolithique et étatique pour se couler dans le moule industriel de la rentabilité.

Compte tenu de la hausse de prix des produits pétroliers concurrents, l'avenir de l'atome pour la production d'énergie électrique ne fait plus aucun doute ; le problème, pour le CEA, est qu'il soit fait le meilleur usage de ses ressources scientifiques et technologiques dans le cadre de la concurrence acharnée à laquelle vont désormais se livrer, sur le plan mondial, les grands constructeurs de matériel électrotechnique des pays avancés.

Perspectives européennes

Le développement de la filière française de réacteurs à uranium naturel étant définitivement stoppé, les atouts français dans le domaine de l'atome se ramènent, pour l'essentiel, à deux : une technique autonome d'enrichissement de l'uranium (les Anglais avaient eu accès aux travaux américains, les Russes les ont très probablement subtilisés, et les Chinois se sont inspirés des Russes ; pour Pierrelatte, les Français, eux, ont dû tout réinventer) ; et, dans le domaine de la recherche, des travaux de classe mondiale sur les réacteurs surgénérateurs (Phénix, prototype expérimental de 250 MWe, doit démarrer en 1973).

Des perspectives intéressantes se sont ouvertes dans ces deux domaines, mais à chaque fois, il faut le noter, en association avec d'autres pays d'Europe. Déjà, en octobre 1971, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne avaient mis en pool leur capacité de retraitement de l'uranium usé dans les centrales existantes. Cet accord assurera un meilleur emploi de l'usine de la Hague, et permettra d'optimiser les investissements dans ce secteur. Mais il montre que les problèmes de développement nucléaire ne peuvent plus trouver de solution dans un cadre national.

Le problème de combustible

L'essentiel des constructions nouvelles pour la décennie à venir, en France et dans le monde, devant reposer sur les filières américaines à uranium enrichi, il était de première urgence de savoir qui fournirait le combustible. Les usines géantes américaines, datant de la guerre, peuvent en fournir à des prix défiant toute concurrence, mais leur capacité sera inférieure aux besoins d'ici quelques années. Le 25 février 1972, le CEA marquait un point important en signant avec cinq organismes industriels européens (Belgique, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Allemagne) un accord pour l'étude en commun d'une usine d'enrichissement utilisant la technique de diffusion gazeuse. Il est à remarquer que trois de ces pays — Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas — mènent de leur côté, ensemble, une recherche sur un autre procédé d'enrichissement, l'ultracentrifugation (Journal de l'année 1968-69). Qu'ils se soient ralliés au projet français montre sans doute qu'au moins dans une première phase la technique utilisée à Pierrelatte a les meilleures chances de fournir le combustible de la prochaine vague de centrales nucléaires. Dans le même secteur, le CEA a conclu avec le Japon (décembre 1971) et l'Australie (mars 1972) deux autres accords préludant à la construction en Australie (fournisseur de l'uranium naturel) d'une usine d'enrichissement utilisant la technique française et destinée au marché japonais.