Au cours de l'opération, 31 prisonniers et 10 otages sont tués. Les autorités annoncent d'abord que les gardiens ont été égorgés par les mutins. L'enquête montrera peu après qu'ils ont été, en fait, tués par les balles des assaillants. Le massacre provoque une vive émotion dans le pays. De nombreuses personnalités libérales dénoncent la brutalité avec laquelle les forces de l'ordre ont réprimé la rébellion et soulignent la nécessité d'une réforme du système pénitentiaire.

Quelques jours plus tôt, le 21 août, un autre incident dramatique s'était produit à la prison de San Quentin, en Californie. George Jackson (29 ans), militant révolutionnaire noir, avait été tué par un garde en tentant — selon la thèse officielle — de s'évader. Cependant, cette version sera démentie par plusieurs détenus et infirmée par le coroner chargé de l'autopsie.

Jackson avait été condamné onze ans plus tôt à une peine de prison de durée indéterminée pour un vol de 70 dollars. Au pénitencier de Soledad, il s'était lié d'amitié avec deux autres militants noirs, Fleeta Drumgo (26 ans) et John Clutchette (28 ans). Tous trois avaient été accusés, en janvier 1970, d'avoir battu à mort un gardien.

Le procès des deux Soledad Brothers survivants s'ouvrira le 3 novembre. Drumgo et Clutchette seront acquittés le 27 mars par un jury entièrement blanc, à San Francisco. Coïncidence : le même jour commence à San José, également en Californie, le procès déjà plusieurs fois différé d'Angela Davis (28 ans), professeur de philosophie et membre du PC américain. La jeune femme noire qui, dans le passé, a milité en faveur des Soledad Brothers, est accusée d'avoir acheté les armes utilisées lors d'une tentative d'évasion de trois militants de couleur. Celle-ci s'était soldée, le 7 août 1970, au tribunal de San Rafael, par la mort de 4 personnes, dont un juge et le frère de George Jackson, Jonathan. Angela Davis avait été arrêtée deux mois plus tard. Le 4 juin, la militante noire sera acquittée elle aussi.

La Cour suprême de Californie ayant, le 18 février, déclaré la peine capitale inconstitutionnelle, l'obstacle juridique qui empêchait jusque-là la mise en liberté sous caution de la militante communiste avait pu être levé. La même mesure a commué en détention perpétuelle la peine d'une centaine de condamnés à mort, dont Sirhan Sirhan (Journal de l'année 1967-68), assassin du sénateur Robert Kennedy, et Charles Manson, l'un des auteurs du meurtre de l'actrice Sharon Tate et de ses amis (Journal de l'année 1969-70).

Nixon contre le « busing »

Au cours d'une allocution télévisée le 16 mars 1972, le président Nixon prend fermement position contre le busing, c'est-à-dire contre le transport par autobus des écoliers, blancs ou noirs, vers des écoles intégrées. Tout au long des mois précédents, le busing avait donné lieu en diverses localités à des manifestations de parents d'élèves blancs, mais, à plusieurs reprises, des juges fédéraux s'étaient prononcés en faveur de ce type de ramassage scolaire. Le 14 mars, un référendum organisé dans le cadre des élections primaires de Floride a montré que les trois quarts des habitants de cet État étaient hostiles au busing.

Dans son discours, Nixon a autorisé le ministère de la Justice à annuler les décisions prises par les tribunaux qui sont allés « au-delà des exigences de la Cour suprême » en matière d'intégration raciale. Pour désamorcer la contre-attaque des libéraux, le président Nixon a en même temps demandé au Congrès de voter des crédits de 2,5 milliards de dollars pour l'amélioration du niveau de l'enseignement dispensé aux enfants des quartiers défavorisés.

La catastrophe de Rapid City 300 morts

Des pluies torrentielles ont provoqué dans la nuit du 9 au 10 juin 1971 une catastrophe dans la région de Rapid City (Dakota du Sud). Le barrage de terre du lac de Back Canyon s'est brusquement rompu, libérant une énorme masse de boue qui balaya tout sur son passage, notamment les terrains de camping où de nombreuses familles étaient venues passer le week-end. Le bilan provisoire devait s'établir quelques jours plus tard à 300 morts, 100 disparus, 900 blessés et 500 millions de dégâts.

La drogue

Les stupéfiants sont devenus cette année l'une des principales préoccupations des autorités. Quelques chiffres montrent que ce problème a, selon les mots du président Nixon, « pris les dimensions d'une crise nationale » : en juillet, le Bureau of Narcotics révèle qu'en un an 900 personnes — dont 222 adolescents — sont mortes, victimes de la drogue, dans la seule ville de New York, soit une augmentation de 200 % par rapport à l'année précédente. Le même mois, les douanes annoncent qu'elles ont saisi, au cours de l'année écoulée, 420 kg de drogue contre 20 kg seulement en 1970.