Le président Sadate entreprend sa première visite officielle en URSS du 11 au 13 octobre 1971. Des divergences apparaissent dans les discours prononcés à cette occasion. Tandis que le président égyptien proclame que « la force constitue le seul langage que comprend Israël », ses hôtes parlent de renforcer « le potentiel défensif de l'Égypte et d'autres pays arabes ». Le communiqué final reprend les termes des responsables soviétiques à ce sujet et exprime une critique implicite de l'attitude du Caire dans l'affaire soudanaise en condamnant fermement « les menées anticommunistes et antisoviétiques, préjudiciables aux aspirations des peuples à la libération ».

Nombreux avantages

Dix jours plus tard, le 23 octobre, une convention est signée, aux termes de laquelle la valeur des échanges commerciaux entre les deux pays serait accrue de 163 millions de livres égyptiennes (niveau de 1970) à 250 millions (en 1975).

En vertu de cet accord, l'Égypte pourra satisfaire en grande partie ses besoins en matières premières. Le 1er novembre, un protocole est signé concernant la construction d'un complexe d'aluminium à Nag Hamadi, en Haute-Égypte, dont le coût total serait de 60 millions de livres (plus de 700 millions de francs) et la production annuelle de 25 000 t à partir de juillet 1974. En décembre, l'Égypte achète à l'URSS 12 appareils de transport pour une valeur totale de 500 millions de francs. De toute évidence l'URSS (comme les autres pays du camp communiste) fait abstraction des divergences politiques avec Le Caire et poursuit systématiquement son implantation économique dans la vallée du Nil.

Cette politique se révèle payante à courte échéance. Au cours d'un second séjour officiel à Moscou, du 2 au 4 février 1972, le président Sadate s'aligne pratiquement sur les positions soviétiques et accepte la reprise de la mission de Gunnar Jarring, le médiateur de l'ONU dans le conflit israélo-arabe, et renonce au projet, soutenu par Washington, d'un règlement partiel par la réouverture du canal de Suez.

Le 24 avril, le chef de l'État révèle qu'il a accordé des facilités à la flotte soviétique dans les ports égyptiens. Moscou consent une légère concession au point de vue du Caire en admettant — dans le communiqué conjoint publié à l'occasion d'une troisième visite du président Sadate en URSS, du 27 au 29 avril — le droit des pays arabes de recourir à tous les moyens pour récupérer les territoires occupés.

À l'occasion d'un séjour au Caire du maréchal Gretchko, ministre soviétique de la Défense, le 14 mai, il est annoncé que l'URSS prendra des mesures concrètes pour renforcer le potentiel militaire de l'Égypte, décision qui est aussitôt suivie d'effets.

Le jour du départ du maréchal Gretchko, le 18 mai, l'Égypte annonce qu'elle a demandé aux États-Unis de rappeler, dans un délai d'un mois, la moitié des membres de la mission américaine au Caire. La mission égyptienne à Washington est, de même, réduite de moitié.

Mécontentements

Le rapprochement soviéto-égyptien a comme effet d'intensifier les pressions qu'exerce la droite sur le président Sadate. Des anciens membres du Conseil de la révolution avaient adressé en avril une lettre au président Sadate, critiquant sévèrement l'URSS, l'accusant de vouloir entretenir le statu quo pour assurer la pérennité de sa présence en Égypte. Ils relevaient à ce propos que l'armée égyptienne ne recevait pas de Moscou le matériel offensif dont elle avait besoin.

Les sentiments antisoviétiques s'exacerbent dans l'armée et dans l'opinion, qui reprochent tout autant à l'URSS qu'au régime égyptien leur passivité à l'égard d'Israël. Dans ses discours, le président Sadate défend avec vigueur l'Union soviétique, prend à partie les réactionnaires, et a recours à un langage de plus en plus radical pour stigmatiser la bourgeoisie. Celle-ci est lésée par diverses mesures d'austérité.

Le gouvernement décide, le 16 avril, de fermer les 400 magasins spécialisés dans la vente de produits dits de luxe. L'importation des voitures est réglementée. Les voyages à l'étranger sont réduits au strict minimum. Les frais de l'administration sont amputés de 20, parfois de 50 %. Les taxes douanières imposées aux produits étrangers sont relevées.