L'armée, jusqu'ici silencieuse (toutes les décisions politiques sont prises au Conseil de la révolution, seul pouvoir dans cette nation sans gouvernement), a pris position : le journal El Djeich a publié un avertissement : « L'armée n'hésitera pas à frapper quiconque portera atteinte à la révolution, en particulier à cette étape décisive. » 7 000 étudiants, un grand nombre de professeurs, vont passer l'été dans la campagne. La presse algérienne publie chaque jour la liste de personnalités donnant volontairement leurs terres au Fonds. Quelle que soit l'issue de la bataille engagée, ses résultats pèseront sur tout l'avenir proche de l'Algérie. Le 17 juin, le colonel Boumediene, qui célèbre le septième anniversaire du régime (19 juin), avec un éclat particulier, préside à Khemis el-Khechna, près d'Alger, la première attribution de terres organisée dans le cadre de la réforme. 200 petits fellahs, groupés au sein de 8 coopératives, se partagent 100 hectares prélevés sur le domaine public.

Pétrole

Plus spectaculaire, mais effectivement moins important, a été le règlement définitif du contentieux franco-algérien concernant le pétrole (Journal de l'année 1970-71). Il s'est accompli dans le cadre des accords mondiaux. Les compagnies françaises travaillant en Algérie étant nationalisées, des négociations difficiles s'engagent. Elles aboutissent, le 30 juin 1971, à l'accord CFP-SONATRACH, semblable à ceux que la firme algérienne avait conclus avec les grandes compagnies internationales. La CFP reçoit, pendant cinq ans, 7 millions de tonnes de brut par an au prix fiscal de 2,75 dollars le baril ; elle verse 150 millions de francs d'arriérés fiscaux ; 51 % de ses avoirs passent à l'Algérie ; elle reçoit 330 millions d'indemnisation et participe désormais pour 49 % aux investissements de l'ALREP algérienne. La firme Total-Algérie est créée, et représente les intérêts français au sein de cette ALREP. La négociation avec ELF-ERAP aboutit ensuite : cette société ne recevra plus que 5 à 6 millions de tonnes de brut, au lieu de 15 à 16 ; elle cède à la SONATRACH son patrimoine non nationalisé et reçoit, à ce titre, une indemnité établie selon le même calcul que celui de la CFP. L'accord avec la COPAREX, exactement semblable, se termine par la fin du boycottage du pétrole algérien, que les pétroliers français avaient obtenu, et par un prêt de 20 millions de dollars d'un consortium bancaire international à la SONATRACH.

Nouveaux accords

L'Algérie devient ainsi le premier pays exportateur de pétrole à posséder la maîtrise complète de sa production pétrolière. Total-Algérie et Elf-Algérie géreront les intérêts français minoritaires et recevront 12 millions de tonnes (12 % de la consommation française) de brut, sur les 45 millions que produit l'Algérie. L'opération, financièrement, est blanche, mais Alger règne désormais sur son pétrole. L'affaire de l'oléoduc de la Trapsa (évacuation sur la Tunisie), qui avait suscité tant de difficultés, se règle ainsi que le contentieux des sociétés françaises FRANCAREP et OMNIREX.

Les résultats de cette prise de possession ne se font pas attendre : établissant le budget de 1972, Smaïl Mahroug annonce que les impôts pétroliers rapporteront 3 200 millions de dinars en 1972, au lieu de 1 600 pour 1971. Ils représenteront 41 % des recettes fiscales, la production devant atteindre 54 millions de tonnes. En décembre 1971, la CORCO, société américaine, signe un contrat de 380 millions de tonnes ; les USA deviennent le principal client pétrolier de l'Algérie.

En contrepartie de cet accord, l'Algérie prépare un important traité commercial à long terme avec l'URSS, qui contribuera à la réalisation du plan. Il s'agit de 170 millions de roubles, mis par Moscou à la disposition d'Alger pour son complexe sidérurgique d'El-Hadjar, à 2,5 % par an, portant de 450 000 à 2 millions de tonnes annuelles la capacité de production. Les équipements seront importés d'URSS, le charbon viendra de Bechar ; un accord maritime complète l'ensemble, l'Algérie participant davantage au transport de ce qu'elle exporte vers l'URSS ou de ce qu'elle en importe. Le 31 décembre 1971, un bilan d'application du plan est publié : les investissements publics ont atteint 14 milliards de dinars, dont 8 dans l'industrie, soit plus de la moitié de ce qui doit être mis en œuvre lors de son élaboration.