Journal de l'année Édition 1972 1972Éd. 1972

La participation financière des nouveaux venus à la caisse communautaire a fait l'objet, elle aussi, de dispositions transitoires ; c'est ainsi que les Anglais ne contribueront, en 1973, qu'à concurrence de 8,6 % du budget communautaire, leur part s'élargissant jusqu'à 18,9 % de ce budget en 1977.

Au total, on a pu être surpris de la relative facilité avec laquelle des obstacles jusqu'alors jugés insurmontables ont pu être franchis. C'est qu'en réalité tout dépendait d'une volonté politique qui n'a existé vraiment qu'à partir de 1970.

Désormais, la seule question importante est de savoir ce que sera la nouvelle Communauté à dix. Lorsque le Marché commun est né, en 1958, il avait des objectifs précis : supprimer les droits de douane ; réaliser une politique agricole commune. Aujourd'hui, il n'y a plus de droits de douane et la politique agricole est en place. Il faut donc trouver de nouveaux objectifs à l'union européenne ; son élargissement n'est pas, en lui-même, un objectif ; et si c'en est un, il est maintenant atteint. Mais ces dix pays (à supposer que la Norvège et le Danemark ratifient, à leur tour, l'adhésion, ce qui n'est pas totalement acquis) se réunissent pour faire quoi ?

La monnaie

La crise monétaire a été, de ce point de vue, une épreuve pour l'Europe. Elle a dominé la conjoncture en 1971-72. L'occasion était belle pour les Européens — les anciens et les nouveaux — de manifester leur détermination. Mais, dès le printemps 1971, lorsque le mark a flotté, les membres de la Communauté ont étalé leurs divergences au grand jour. Les coups de boutoir du président Nixon, durant l'été et l'automne 1971, ont fini par provoquer un réflexe commun de défense dont est sorti, au printemps de 1972, l'accord sur le rétrécissement des marges de fluctuation entre les monnaies européennes. Mais, en juin 1972, cet accord lui-même était lézardé par la flottaison de la livre sterling.

L'accord monétaire n'a été qu'un accord défensif, indispensable pour éviter l'effondrement des deux piliers sur lesquels repose toute la construction européenne : l'union douanière et la politique agricole. Que signifierait, en effet, la suppression des droits de douane entre des pays dont les monnaies pourraient changer de valeur dans des proportions souvent plus grandes que les anciens tarifs douaniers ? Et que resterait-il d'une politique agricole fondée sur l'unité des prix au sein de la Communauté si, par le biais des variations dans la parité des monnaies, cette unité volait en éclats ?

Seulement l'union monétaire ne peut pas être, uniquement, un rétrécissement des marges de fluctuation (d'autant que 2,25 % c'est encore une marge assez grande). Il faut aussi organiser le concours mutuel en cas de difficulté d'une des monnaies de la Communauté. Là-dessus, les Allemands sont très prudents, car ils ne veulent pas payer pour les autres, en particulier les Anglais, les Italiens et, éventuellement les Français (nous avons mauvaise réputation en ce domaine). Rien n'est encore réglé à ce sujet.

Le Sommet

C'est précisément pour tirer parti de la crise monétaire que G. Pompidou a proposé, durant l'été 1971, qu'un sommet européen réunissant les dix pays membres (présents et futurs) se tienne à Paris. Les vicissitudes de la préparation de cette réunion illustrent bien les incertitudes de la nouvelle Communauté. En avril 1972, les ministres des Affaires étrangères finissent par trouver une date : ce sera le 19 octobre à Paris. Mais les résultats du référendum affaiblissent, au même moment, la position européenne de G. Pompidou. Déçu, celui-ci exprime son amertume devant les dirigeants belges et la reine des Pays-Bas, venus à Paris en juin 1972. Si le Sommet n'est pas mieux préparé, leur dit-il, mieux vaudrait qu'il n'eût pas lieu. Ce à quoi nos partenaires s'empressent de répondre qu'ils ne sont pas demandeurs et que l'initiative vient de la France.

Derrière ces manifestations de mauvaise humeur, percent des désaccords persistants. Au cœur du débat sur l'avenir de l'Europe, deux questions fondamentales ne sont toujours pas tranchées : celle des relations avec les États-Unis et celle des institutions européennes.