Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Comme précédemment en 1969 et 1970, la nouvelle année débute sur un ton plus soutenu, non plus sur les initiatives du groupe BSN dans les domaines du verre ou de la bière, mais pour un ensemble de raisons diverses allant de la fermeté continue de New York à la désescalade persistante des taux de l'argent à court terme — la France abaisse à nouveau son taux d'escompte de 7 % à 6,5 % le 8 janvier 1971 — et à la prise de conscience de plus en plus forte de l'érosion monétaire.

Ruée sur la mer du Nord

La hausse de 0,7 % des prix en janvier 1971 va cependant jeter un froid. La reprise n'aura guère duré plus d'un mois, les cours plafonnent et l'attention revient aux pétroles : discussions de Téhéran pour la mise au point de l'accord entre les compagnies pétrolières et l'OPEP, négociations de Tripoli, nationalisation à 51 %, décidée par le président Boumediene, des sociétés pétrolières françaises opérant en Algérie. La hausse sensible des coûts des produits pétroliers relance l'intérêt pour les gisements européens, qui n'en deviennent que plus intéressants en dépit des difficultés de recherche et du coût élevé des exploitations offshore.

L'importance de la structure d'Ekofisk, en zone norvégienne de la mer du Nord, a conduit à décider une exploitation rapide, et trois sondages positifs ont eu lieu, au large de Tarragone, sur la structure d'Amposta. La Bourse délaisse encore la Compagnie française des pétroles, affectée par les initiatives algériennes, mais recherche les actions de la Norvégienne de l'azote et de Petrofina, voire de l'Aquitaine quand celle-ci est autorisée à relever de 15 % le prix de son gaz naturel. Cette tendance se confirmera avec éclat, en mai et juin 1971, lors de la découverte, par le consortium franco-norvégien Petronord, d'une nouvelle structure sous-marine. Bien que les indications en provenance de Frigg ne soient que très fragmentaires, les sondages n'en étant qu'à leur début, la Bourse y voit un nouvel Ekofisk et se rue sur les actions des sociétés participantes. Parmi les bénéficiaires de cet engouement figurent toujours la Norvégienne de l'azote, qui suscite un intérêt d'autant plus grand que le nombre de titres constituant son capital est relativement limité et que ses droits d'option lui confèrent le plus grand pourcentage d'intérêt sur les permis, les Pétroles d'Aquitaine et surtout la Compagnie française des pétroles, dont les cours progressent de moitié en un temps record, favorisés, en outre, par l'espoir d'un modus vivendi satisfaisant avec l'algérienne Sonatrach.

Des rendements élevés

Cela ne doit pas faire oublier le reste du marché, dont les cours ont plafonné, voire légèrement baissé de février à mai 1971, en dépit des excellents résultats publiés en 1970. La dernière année de la décennie aura été faste pour les industriels français. Quelques points noirs sont certes relevés dans les secteurs de la papeterie, des magasins, des travaux publics ou des textiles. Les cours de la Cie française d'Entreprises s'effondrent à la publication de résultats catastrophiques, et la société Rhône-Poulenc elle-même fait état d'un recul de ses résultats consolidés qui affecte de façon sensible le cours du titre. Les vedettes qui ne respectent pas la croissance attendue voient également fléchir leur popularité ; par exemple : l'Oréal, La Redoute à Roubaix, Poclain et, un instant, Gervais-Danone.

Les arbres toutefois ne doivent pas masquer la forêt. Publiés avant même la fin de l'exercice, les résultats d'Usinor ont dépassé les espérances (220 millions de francs de bénéfices après un milliard de francs d'amortissements et une majoration de moitié du dividende), et très nombreuses sont les sociétés à avoir accru leurs profits dans des proportions permettant d'augmenter les répartitions aux actionnaires et d'affirmer que les valeurs françaises offrent maintenant des rendements élevés.

Cela se traduit d'ailleurs sur les marchés peu spéculatifs du comptant par des hausses souvent importantes que ne doivent pas faire oublier les infortunes de certaines des grandes valeurs directrices du marché à terme. C'est là un élément extrêmement positif à l'heure où les entreprises bénéficient en outre de la réévaluation de fait du Deutsche Mark et du florin, monnaies désormais flottantes. Pour le reste, la Bourse sera ce qu'on voudra qu'elle soit, les considérables besoins de financement du VIe Plan devant dicter la politique à suivre. Les travaux de la Commission Baumgartner, dont le rapport, très attendu, devait sortir au début du mois de juillet, ont dégagé certaines options possibles. L'avenir décidera de leur sort et, par là, de celui d'un marché dont l'orientation à la hausse à long terme n'a pas été démentie depuis 1967.