Toutefois, en matière d'équipement, on ne peut pas juger un budget seulement sur les crédits de paiement. Ceux-ci ne font que refléter des autorisations de dépenses figurant dans les budgets antérieurs. Or, dans la loi de finances pour 1971, ces autorisations progressent sensiblement (+ 10,2 %), ce qui ne comble pas le retard pris au cours du Ve Plan, mais évite de l'aggraver.

Réforme fiscale

Le budget de 1971 comporte, en outre, un certain nombre de mesures à caractère social, qui tendent à s'inscrire dans le cadre de la nouvelle société. L'aide minimale aux personnes âgées a été portée à 8,90 F par jour au 1er janvier 1971 et à 9,32 F au 1er octobre (soit 3 400 F par an). L'effort envers les infirmes, les handicapés et les rapatriés a également été accru. L'allocation de maternité est passée à 1 025 F au 1er janvier, tandis que l'allocation de salaire unique a été supprimée aux plus aisés, et doublée pour les plus défavorisés. Cette sélectivité illustre le souci d'efficacité redistributive qui inspire la nouvelle société. Mais le même souci se retrouve-t-il dans l'aménagement des recettes du nouveau budget ?

D'après le gouvernement, l'économie devait continuer à croître à un rythme assez soutenu en 1971 (+ 5,7 %), ce qui promettait encore de bonnes rentrées : la progression des recettes fiscales serait de 8,3 % (remboursements exclus). L'expansion paraissait même suffisamment forte à V. Giscard d'Estaing pour qu'il poursuive sa politique de modération fiscale. Non content de faire à nouveau baisser le prélèvement global de l'État sur l'économie (à 22 % de la production nationale, après 23 % en 1970 et 24 % en 1969), le ministre des Finances a mis en œuvre la réforme fiscale longtemps attendue.

Objectif : « calmer » la fiscalité française ; principe : « à revenu (connu) égal, impôt égal ». V. Giscard d'Estaing a donc entrepris de rapprocher les conditions d'imposition des différentes catégories de contribuables. En clair, cela veut dire qu'il a étendu aux non-salariés les réductions (5 % du revenu imposable) dont bénéficiaient les salariés, du fait qu'ils sont dans l'incapacité de frauder, leurs gains étant déclarés par un tiers. Aussi, les taux du barème progressif ont été réduits pour tous de 2 points en 1971, et le seront de 3 points en 1972. L'imposition maximale est ainsi tombée de 65 % à 63 %, puis à 60 % l'année prochaine. D'autre part, la taxe complémentaire a été supprimée. Au total, ces allégements représentent près d'un milliard et demi de francs.

Comme ces faveurs profitent aux seuls non-salariés, parmi lesquels on classe habituellement les nantis (tous les non-salariés ne le sont pas), et qu'elles jurent par trop avec les principes de la nouvelle société, un double effort a été fait pour limiter l'imposition des petits revenus (salariaux pour la plupart) et pour parvenir à une meilleure connaissance des revenus non salariaux.

Les limites des tranches de barème ont été relevées de 5 % pour supprimer l'aggravation de la charge fiscale due à la seule hausse des prix. Les réductions de 15 à 2 % sur les impositions inférieures à 5 000 F ont été maintenues, ainsi que les majorations des impositions supérieures à 10 000 F (à la demande des syndicats). Les limites d'exonération totale ont été relevées et un plancher pour les frais professionnels a été fixé à 1 200 F. Enfin, des allégements spécifiques ont été consentis pour les personnes âgées et les invalides à revenus modestes. D'autre part, les taux de la TVA ont été abaissés sur les produits alimentaires solides, et, courant janvier, sur le thé et le café. L'ensemble de ces mesures est toutefois fort loin d'avoir l'ampleur des réductions accordées aux seuls non-salariés.

Conseil des impôts

Aussi le complément indispensable de ces largesses doit-il se trouver dans une meilleure connaissance des revenus non salariaux. Les gros agriculteurs et certains membres des professions libérales seront dorénavant imposés non au forfait, mais sur leurs bénéfices réels, et le fisc pourra lui-même dénoncer les forfaits en cas de « disproportion marquée » avec le train de vie du contribuable. Un Conseil des impôts, créé auprès de la Cour des Comptes, aura pour fonction de faire diminuer la fraude en étudiant l'évolution des revenus des différentes catégories socio-professionnelles et celle des impôts qu'elles paient.