Certes, elle se réalise par la voie d'accords de brève durée, limitée à un an. Mais il faut insister sur le fait qu'elle s'effectue dans des entreprises que leurs dimensions apparentent à un secteur entier d'activité.

– Les incitations à négocier.
Instaurant la négociation dans les entreprises publiques, le gouvernement a aussi visé à faciliter la négociation dans le secteur privé. Indépendamment des procédés classiques d'incitation (notamment au niveau des aides financières) et de pression directe (par le biais de l'extension des CC), les négociations récentes, professionnelles et surtout interprofessionnelles, remettent en cause la conception traditionnelle française de la convention collective.

De simple moyen pour faire progresser la condition des salariés (en instaurant un régime plus favorable aux travailleurs que celui de la loi, considéré comme un plancher minimal), la convention collective parait tendre à devenir à la fois un mode de détermination pour l'utilisation des moyens concrets offerts par les pouvoirs publics, une sorte de complément, de mise au point, une manière de texte d'application de la loi, peut-être même de substitut à elle.

Une dialectique nouvelle s'établit ainsi entre la réglementation étatique et la négociation collective, reposant sur une reconnaissance par l'État de la vocation et de l'aptitude des organisations patronales et syndicales largement représentatives à déterminer les conditions d'application de la loi et même à en préparer la modification et l'amélioration.

Incertitudes

Ce mouvement nouveau, dont les aspects positifs paraissent difficilement comptables, s'est manifesté uniquement dans le cadre national interprofessionnel. S'étendra-t-il à celui des professions ? Et pourrait-il même être formalisé, la législation confiant expressément la détermination des conditions d'application de la loi à des accords collectifs ? Sans doute est-ce là une des incertitudes majeures de l'année et en même temps de la crise de mutation du système français des relations professionnelles.

Bilan de l'intéressement

2 169 384 salariés ont reçu chacun en moyenne 353,71 F en 1970 au titre de l'intéressement. Les accords d'application de l'ordonnance de 1967 concernent maintenant 6 515 entreprises, qui groupent au total près de 3 millions de salariés (mais il faut certaines conditions d'ancienneté pour bénéficier de l'intéressement). Les 766 millions ainsi répartis représentent 2,71 % des salaires et 13,70 % des bénéfices déclarés des entreprises.

Derrière ces chiffres apparaissent des situations très différentes. Pour 670 000 salariés, les sommes attribuées sont inférieures à 1 % du salaire ; pour la moitié, les sommes ont dépassé le seuil de 1 %. Sur cet effectif, 260 000 personnes ont perçu une attribution supérieure à 5 % de leur rémunération : dans la chimie et la pharmacie, la part moyenne de chacun a été de 667,93 F.

Les signataires des accords sont les comités d'entreprise dans 80 % des cas ; les syndicats seuls ont signé 12 % des accords (comités d'entreprise et syndicats ensemble : 5,5 %).

Très rares, les distributions d'actions n'ont eu lieu que dans 21 entreprises, dont 15 cotées en Bourse : au total, 30 000 salariés en ont bénéficié.

Plus de la moitié des accords ont choisi la formule du compte bloqué : attribution d'un droit de créance aux salariés sur des investissements effectués dans l'entreprise ; 43 % des textes ont prévu des versements à des organismes extérieurs.

L'ordonnance de 1967 a maintenant atteint sa vitesse de croisière et Philippe Dechartre, secrétaire d'État auprès de Joseph Fontanet, ministre du Travail, envisage une triple réforme :
– décentralisation de la procédure d'homologation des accords ;
– harmonisation législative entre l'ordonnance facultative de 1959 et celle, obligatoire, de 1967 (les deux textes prévoient des modalités d'application différentes qui gagneraient à être unifiées) ;
– renforcement du rôle des comités d'entreprise ; dans les entreprises de plus de 300 salariés, une commission du CE serait chargée de veiller à l'application de l'intéressement.

Les stock-options

Participation à la gestion et à la propriété des entreprises : les salariés pourront acquérir dans des conditions avantageuses des actions des sociétés qui les emploient. La proposition de loi « tendant à faciliter la mise en œuvre de plans d'achat d'actions en faveur des cadres des entreprises » est adoptée le 10 décembre 1970. Elle s'inspire de la technique des stock-options qui a connu un grand développement aux États-Unis. Initialement réservée aux cadres (qui en demeurent les principaux bénéficiaires), la loi est étendue à l'ensemble des salariés.