Gilles Guiot fait appel. Son avocat demande sa mise en liberté provisoire ; elle est refusée. Résultat : une extension fulgurante du mouvement de protestation. En une semaine tous les lycées de Paris et de sa région sont touchés par la grève et paralysés. Les lycéens inaugurent une nouvelle forme de protestation, le sit-in, manifestation assise, sur la chaussée, devant les établissements. Par deux fois des manifestations regroupant 10 000 lycéens ont lieu sans incidents dans les rues de Paris. Le 19 février, 15 000 jeunes, assis sur le boulevard Saint-Michel, apprennent que Gilles Guiot est acquitté en appel.

Seize lycées fermés

Les lycées de province, moins touchés par la grève de solidarité avec Gilles Guiot, prennent, en mars, le relais de l'agitation.

À Grenoble, Saint-Brieuc, Limoges, La Rochelle, Avignon, Béziers, Cahors, Troyes, Besançon, Civray, Paris et dans d'autres villes, grèves et occupations de locaux se multiplient. En une seule semaine, à la mi-mars, le ministre de l'Éducation doit ordonner la fermeture de seize établissements.

L'ampleur et la persistance de l'agitation lycéenne ne peuvent être attribuées aux seuls groupuscules gauchistes, dont l'influence reste réduite. Les mobiles d'ordre proprement politique (contre la répression) ne sont pas les plus nombreux. Les lycéens protestent contre le mauvais état des locaux, la qualité de la nourriture, le règlement intérieur et la discipline, les sanctions prises contre un élève (incarcération d'Alain Guionnet, lycéen de Jean-Baptiste-Say à Paris).

Trois ans après mai 1968 et l'agitation étudiante, le mois de mars des lycéens suscite l'inquiétude de l'opinion publique et des milieux gouvernementaux.

Incapables de permettre une participation réelle et permanente de la masse des lycéens, les conseils d'administration en place après 1968 ont révélé leur faible efficacité. Mais là n'est pas la raison essentielle du mécontentement des élèves, qui s'est manifesté sous des formes très diverses, jusque dans les plus petits établissements de province et particulièrement dans l'enseignement technique. Le malaise tient plutôt à la lenteur avec laquelle l'enseignement s'adapte au monde moderne et aux impératifs de la vie quotidienne.

Deux mondes coexistent, pratiquement imperméables l'un à l'autre, dans lesquels les lycéens évoluent tour à tour. Nombreuses sont les matières enseignées qui suscitent indifférence et ennui. Inquiets devant les excès de la spontanéité croissante des jeunes, professeurs et chefs d'établissement font appel à la discipline traditionnelle : actes d'autorité parfois maladroits qui ne rendent guère les lycées plus vivables aux yeux de leurs usagers.

À l'occasion de l'affaire Guiot — simple détonateur —, les lycéens ont pris conscience de leur existence en tant que groupe distinct et puissant. Les tentatives des autorités pour « rétablir l'ordre dans les lycées » se sont généralement soldées par des échecs. Elles ont conduit, le plus souvent, à aggraver le divorce entre les générations.

Un divorce profond

L'incertitude devant l'avenir, la déception provoquée par l'enseignement d'une culture qui paraît figée, le décalage entre la liberté dont les jeunes jouissent en dehors de l'école et le régime disciplinaire désuet de nombreux établissements sont les signes d'une maladie grave. L'année 1970-71 n'a pas apporté de remède approprié. L'arsenal des vieilles méthodes — sanctions disciplinaires, renvois, fermetures d'établissements — n'a fait bien souvent qu'attiser un feu qui ne demandait qu'à brûler avec plus de vigueur.

Renouvellement de la loi Debré

Aide de l'État à l'enseignement privé : la loi publiée le 3 juin 1971 renouvelle le système de contrats liant établissements privés et Éducation nationale institué par la loi Debré en 1959. Les contrats simples sont pérennisés dans le premier degré : la loi de 1959 prévoyait qu'ils ne pouvaient être souscrits que pour une période limitée (de 9 à 12 ans) ; dans le secondaire, par contre, les contrats simples ne pourront plus être souscrits après 1960 et l'association deviendra la règle.