Il s'est produit à Nairobi un fait bien trop rare, celui de la fusion de deux familles confessionnelles : l'ARM et le CCI. Cet heureux aboutissement demanda, certes, dix années de pourparlers, mais finalement l'acte d'union fut solennellement adopté par tous lors de la séance inaugurale. Cela signifie que désormais toutes les Églises locales (congrégationalistes) ou nationales (réformées et presbytériennes) issues de la réforme calviniste sont fédérées dans la même organisation mondiale, dont le siège central est à Genève, dans le même ensemble que le Conseil œcuménique des Églises (COE).

Côté luthérien, un événement historique s'est produit à Evian. En effet, quatre cent cinquante ans après la Bulle Exsurge Domine excommuniant Luther et que celui-ci brûla publiquement, un cardinal catholique romain, Jan Willebrands, prononça une allocution sur le thème de l'Assemblée et en profita pour rendre un hommage public au réformateur allemand, et notamment à sa doctrine biblique de la justification par la foi.

La fin d'un désaccord

Evian marque donc la fin d'un trop long désaccord entre Rome et le luthéranisme. À Nairobi, l'ARM, en dialogue avec Rome depuis très peu de temps, a considéré la recherche de l'unité comme impérative, et les baptistes ont insisté, eux aussi, sur la nécessité de rencontrer les autres chrétiens afin de travailler avec eux. Cependant, la préoccupation du protestantisme dans ce domaine se sera moins centrée sur la quête d'une unité formelle et centralisée que sur celle d'une union où toutes les diversités respectées seraient mises en œuvre pour l'édification solidaire de la société de demain.

Le monde de l'Est mis à part, ce monde où la Conférence chrétienne pour la paix, dite de Prague, semble avoir vécu, on retrouve ces deux axes : insertion politique et unité dans toutes les parties du monde. On peut avancer que la problématique nouvelle que pose la connaissance scientifique est particulièrement interpellatrice pour le monde protestant dont la qualité... ou le défaut principal demeure le libre arbitre. Ainsi en est-il des travaux de la plupart des maîtres à penser, ou encore de la surprenante confrontation tenue en juillet à Genève entre savants et théologiens sur l'« Avenir de l'homme et de la société dans un monde technologique ».

Un exemple français

Les exemples sont nombreux en France. On pourrait évoquer l'action du service d'entraide de la CIMADE, la réforme des structures de la vénérable Société des missions évangéliques de Paris, celle de l'Église luthérienne d'Alsace (ECAL), voire l'effort d'aggiornamento organique de la FPF ; mais le plus significatif est celui de la session de travail convoquée en octobre au couvent dominicain de l'Arbresle, près de Lyon.

Pour la première fois de la difficile histoire du protestantisme français, les états-majors au complet de cinq Églises membres de la FPF ont vécu ensemble des journées monacales pour faire le point et préparer l'avenir. La session avait sans doute pour premier but de rechercher, une fois encore, une unité organique donnant naissance à l'Église évangélique en France. Il y fut rappelé certaines unités partielles (comme celle de 1938 entre réformés) réalisées dans le passé et surtout l'état très positif de cette unité de facto, tant sur le plan des doctrines que sur celui de la pratique. Un nouveau texte doctrinal sur l'Église fut pratiquement adopté (avant d'être soumis aux instances de chacune des cinq Églises), ainsi qu'un projet de confession de foi acceptable par tous.

Cependant, malgré cet objectif, ce qui ressortit de cette session fut, d'une part, l'urgence d'un service commun dans (ou contre) les systèmes économiques et politiques actuels, et cela suscita une formulation très spéciale, par rapport au passé, de la confession de foi. D'autre part, non plus une vaine nostalgie à l'égard d'on ne sait quelle unité organique, mais un accord complet pour la mise en œuvre rapide d'une unité sauvegardant tous les apports et toutes les spécificités, sur les plans local, régional et national.