Les grands événements conjecturais et monétaires récents ont donc favorisé l'industrie chimique française ; elle a moins nettement ressenti le ralentissement général constaté en Europe après le boom de 1968-69.

Évaluée en volume, la production des industries chimiques a augmenté, en 1970, de 10 %. C'est un taux élevé (puisqu'il correspond au doublement de la production en sept ans), égal à la progression moyenne de la chimie pendant les années 60.

Un retour à la normale laisse prévoir que ce taux sera à nouveau atteint en 1971, ou qu'il sera, au moins, approché. Ces résultats sont naturellement très inférieurs à ceux de 1968 et 1969 (+ 14,5 % par an).

Raffermissement des prix

La récente période de haute conjoncture — qui coïncide avec une vague d'inflation caractérisée —, a permis à l'industrie chimique de mettre un terme à un mouvement de baisse des prix qui durait depuis plusieurs années. En 1969, la demande a atteint un tel niveau que ce fut, dans l'ensemble de l'Europe, le signal du raffermissement des prix. D'après l'indice des prix de gros établi par l'INSEE, les prix de l'ensemble des produits chimiques ont augmenté de 2 % en 1969. En 1970, l'augmentation, sensiblement plus rapide, a atteint en moyenne 3,9 %. La hausses les plus fortes ont été celles des produits para-chimiques (+ 5,5 %) et des produits organiques (+ 5,9 %).

Ce mouvement de hausse des prix, important pour la chimie parce qu'inhabituel, reste inférieur à celui de la moyenne des prix industriels (+ 8 % en 1970).

Cette situation favorise une progression assez rapide du chiffre d'affaires de la profession, qui a franchi, en 1970, le cap des 40 milliards de francs, toutes taxes comprises (il est vrai que la chimie allemande réalise un chiffre d'affaires de l'ordre de 75 milliards de francs).

Les résultats assez bons enregistrés par l'industrie chimique française trouvent une bonne partie de leur explication dans l'excédent de la balance commerciale (800 millions de francs en 1970). Il faut noter, toutefois, que la chimie française, si elle gagne toujours du terrain dans la zone franc, en perd dans les pays étrangers (elle équilibre tout juste ses échanges avec ces pays).

Le renforcement et la simplification des structures ont pris un tour décisif en 1969 avec la prise de contrôle successive de Progil et de Pechiney-Saint-Gobain par le groupe Rhône-Poulenc.

Depuis ce regroupement de grande envergure, qui a permis à Rhône-Poulenc d'avoir un chiffre d'affaires supérieur à 10 milliards de francs, les rapprochements ont continué à être nombreux.

En décidant de se trouver à parts égales dans Aquitaine-Organico, Elf-Aquitaine (c'est-à-dire SNPA 80 %, et Elf 20 %) et la Compagnie française des pétroles ont jeté les bases du deuxième grand groupe chimique français à vocation internationale. Avec les deux grandes plates-formes de Gonfreville et de Feysin, les sociétés pétrolières à capitaux d'État ont de fortes positions dans les grands intermédiaires pétrochimiques et dans les matières plastiques. Elles ont les moyens de tirer profit de leur intégration pétrolière et de choisir les diversifications les plus profitables, notamment sur le marché naissant des matériaux composites.

La prise de contrôle de la Société centrale de dynamite par Roussel-Uclaf — et plus exactement par la Société financière Chimio (55 % famille Roussel, 45 % Hoechst) — a permis essentiellement un renforcement des structures de l'industrie pharmaceutique. La société Sifa a, en effet, été fusionnée avec Roussel-Uclaf, qui, avec l'appui de Hoechst, confirme sa position de premier concurrent national de Rhône-Poulenc dans la pharmacie comme dans les produits vétérinaires et phytosanitaires. En plus de sa participation minoritaire, mais forte, dans Chimio, Hoechst est associé directement et à parts égales dans la filiale proprement chimique du groupe, la société Nobel-Hoechst-Chimie.

Enfin, la fusion décidée fin 1970 et récemment confirmée de Pechiney et d'Ugine-Kuhlmann a réglé, au moins provisoirement, un des problèmes les plus compliqués de la chimie française.