Mais cette théorie ne peut être complètement retenue. On connaît maintenant plusieurs civilisations où il existait un pouvoir central avant tout développement important des réseaux d'irrigation. C'est donc encore un autre phénomène qui a joué ; R. L. Carneiro le découvre dans le manque de terre arable.

L'absence de terre

Une société agricole qui dispose de grands espaces cultivables n'a pas de problème de croissance. Les Indiens d'Amazonie, par exemple, formaient une population très dispersée, même avant que les Blancs viennent la détruire. Dans les parties les plus peuplées, les villages d'agriculteurs amazoniens sont distants de 15 à 25 km. Entre les villages, il y a toujours de grandes étendues de forêts. L'étendue des terres est pratiquement illimitée.

La situation est totalement différente dans les vallées côtières, où se sont formées certaines des civilisations précolombiennes du Pérou. Ces vallées — il y en a 78 en tout — offrent des surfaces cultivables étroitement limitées par la mer, la montagne et le désert. Très tôt dans l'histoire des communautés agricoles, toute la terre arable y est occupée, cultivée. On demande alors davantage à la terre, on essaie de gagner sur la montagne, sur le désert ; l'irrigation se développe. Mais tout cela reste insuffisant. On en arrive aux conflits entre villages : si l'on ne peut plus gagner des champs sur la nature, on ira en prendre au voisin.

Conflits et hiérarchies

Il y a aussi, il est vrai, des conflits entre les villages indiens d'Amazonie. Mais leur enjeu n'est pas la terre arable, qui surabonde. Si un village est vaincu, il pourra rester maître chez lui. Et même s'ils doivent quitter les lieux, ses habitants pourront sans peine s'installer un peu plus loin.

Dans les vallées limitées de la côte péruvienne, les conflits viennent de la terre qui manque. Les vaincus ne peuvent que rester chez eux ; ils doivent payer d'une façon ou d'une autre : en terres, en travail ou en tributs, c'est-à-dire en subordination aux vainqueurs. Une hiérarchie s'établit progressivement. De conflit en conflit, de petites unités politiques se constituent. Elles sont à l'échelle d'une partie de vallée ou à celle d'une vallée entière. Par la suite, les conflits et les hiérarchies s'établissent entre vallées voisines ; le processus qui conduit à l'État centralisé est lancé.

L'État, selon cet auteur, ne pourrait donc apparaître à l'origine que dans des milieux clos. Ces milieux clos conduisent à la promiscuité, aux conflits, aux hiérarchies. C'est ce qui a dû se passer non seulement au Pérou, mais aussi dans d'autres réglons où la superficie de terre arable était limitée par le désert : Égypte, Mésopotamie, Indus, vallée de Mexico.

Prévoir le temps grâce aux climats de la préhistoire

L'évolution des climats est un des grands sujets de recherche proposés aux sciences du passé. À partir d'une enquête sur les fluctuations du climat aux temps historiques et préhistoriques, des chercheurs se sont essayés à une prévision du climat futur.

La reconnaissance des oscillations climatiques même très anciennes a atteint aujourd'hui un assez grand degré de finesse. Au XIXe siècle, on avait découvert l'existence d'un âge glaciaire : les géologues actuels en sont à six glaciations pour le Quaternaire de la région alpine. À l'intérieur de ces glaciations, plusieurs stades ont pu être distingués — trois, par exemple, pour la dernière, le Würm —, séparés par des interstades plus tempérés. Et à l'intérieur même de ces stades, on en est au dénombrement d'oscillations encore plus fines : il y en a eu dix pendant le premier stade du Würm, qui a commencé voici environ 80 000 ans. La longueur d'onde de ces oscillations peut ne pas dépasser quelques siècles.

Les variations déjà découvertes ou suggérées se retrouvent pour la plupart sur une courbe publiée par trois chercheurs danois et un chercheur américain. Cette courbe a été obtenue en analysant une carotte de glace assez exceptionnelle fournie par un laboratoire de l'armée américaine qui a réussi à Camp Century (Groenland) un carottage atteignant le socle rocheux, à 1 400 m de profondeur.

100 000 ans

Dans cette glace, il y avait évidemment de l'oxygène, dont les spécialistes ont alors étudié la composition isotopique. Il existe, en effet, à côté de l'oxygène 16, un isotope stable plus lourd, l'oxygène 18. On a reconnu que la quantité d'oxygène 18 par rapport à l'oxygène 16 dépendait de la température à laquelle la neige initiale s'était formée. Le taux normal étant de 29 parts oxygène 18 pour 1 000 oxygène 16, une proportion de 30 parts pour 1 000 indiquera, par exemple, un air plus froid. En analysant la composition isotopique de la glace aux différents niveaux de la carotte, on obtient un reflet des variations de la température de l'air au-dessus du Groenland. C'est ce qu'ont fait les Danois Johnson, Dansgaard, Clausen, et l'Américain Langway.