Les 11 et 12 février, une délégation conduite par M. Théo Lefèvre, ministre belge de la recherche scientifique, discute à Washington, avec un membre du gouvernement américain, des conditions d'une coopération entre Européens et Américains sur les bases auxquelles la NASA paraissait autrefois favorable. Le ministre belge constatera, désabusé, que « l'attitude américaine s'est modifiée ». En particulier, ses interlocuteurs ont définitivement écarté l'éventualité d'une vente aux Européens de fusées pour la mise en orbite de satellites commerciaux, « leur exploitation fût-elle limitée à la zone européenne ». C'est la NASA qui, voyant son budget devenir une peau de chagrin, avait proposé la coopération ; maintenant, l'industrie aérospatiale américaine, soucieuse de conserver son monopole de fait, contre-attaque.

En mars, les deux grandes organisations de la recherche spatiale n'en ont pas moins présenté à la NASA les suggestions, études et propositions des spécialistes et des industriels du vieux continent. Quelques jours après, le public américain était informé par le ministère de la Défense que l'étage supérieur de la navette post-Apollo serait conçu de telle sorte qu'il puisse servir pour des opérations militaires. De ce fait, l'US Air Force — dont le budget spatial dépasse en valeur celui de la NASA — devenait le maître-d'œuvre de cette réalisation afin, précisait la déclaration gouvernementale, de disposer dans la prochaine décennie d'un véhicule capable de remplacer ses satellites automatiques et d'assumer d'autres missions dans l'espace.

Paradoxalement, la conséquence la plus importante de la politique américaine aura été la mise à exécution des deux projets les plus menaçants pour leur monopole : le satellite de télécommunications franco-allemand Symphonie et son lanceur Europa II.

Après tous ces avatars, des possibilités de coopération subsistent, entre l'Europe et l'Amérique, pour ce qui concerne le Tug, sorte de « remorqueur » spatial destiné à transférer des engins non propulsés d'une orbite à une autre. Il pourrait, par exemple, dans des conditions particulièrement économiques, prendre en charge une sonde automatique au voisinage de la Terre et la lâcher à proximité du sol lunaire, pour qu'elle atterrisse. Le Tug reviendrait alors sur une orbite circumterrestre prêt à assurer une autre mission interorbitale.

Le 5 avril, à Huntsville, la CECLES-ELDO a présenté à la NASA les premières études sur le Tug. Dans un communiqué publié le 4 mai, l'organisme européen annonce qu'un autre train d'études sur la navette interorbitale est en cours en Europe, en accord avec la NASA.

Les lancements français

Le CNES a lancé le 12 décembre 1970, à partir du Centre spatial guyanais, le satellite Péole, dont le rôle principal est de permettre la mise au point du système de stabilisation par gradient de gravité destiné à un satellite plus important, Eole. Celui-ci servira à une expérience conduite conjointement avec la NASA ; en suivant les déplacements de 500 ballons, il permettra d'étudier les courants atmosphériques. Péole permet aussi des mesures géodésiques, grâce à un miroir réflecteur de faisceaux lasers.

Péole est un satellite technologique, surtout destiné à mettre au point le lanceur et à préparer d'autres opérations spatiales. Le premier satellite véritablement scientifique lancé par une fusée Diamant B est Tournesol, mis le 15 avril 1971 sur une orbite de 456-708 km, inclinée de 46,37°. Cet engin de 96 kg (dont 25 d'équipements scientifiques) est un corps cylindrique de 700 mm de diamètre et de 800 de haut, qui supporte quatre panneaux solaires dont les cellules sont d'un type nouveau.

C'est le premier satellite français pourvu de dispositifs d'orientation et de stabilisation à éjecteurs d'azote. Ces petites tuyères sont disposées par paires et commandées par des vannes électriques. On peut orienter ainsi l'axe du satellite dans la direction du Soleil, ce qui est imposé par la nature des expériences scientifiques.

Le satellite Tournesol est chargé d'étudier la distribution de l'hydrogène dans tout l'espace interplanétaire.